UX CALENDAR – 08 DÉCEMBRE – Utiliser le jeu vidéo pour améliorer la prise en main de votre produit

En tant que designer, beaucoup d’entre nous ont déjà pu être confrontés à la phrase suivante : “si on a besoin d’un tutoriel, c’est que l’interface n’est pas intuitive”. Oui, mais comment faire lorsque notre produit est un peu plus complexe que scroller sans fin sur Instagram, ou rédiger un simple message texte avec son téléphone ?

Voyons ensemble comment les jeux vidéo ont su nous apprendre de nouvelles choses grâce à des phases dites de “tutoriel ou d’apprentissage”.

Comment accompagner efficacement l’onboarding de nos utilisateurs sur un produit ?

Nombreux sont ceux d’entre nous qui sont déjà allés voir un “tuto DIY meuble original style suédois mais en mieux et pas cher” sur YouTube lorsque nous nous confrontons à notre propre inexpérience dans un domaine, nous tombons sur plusieurs vidéos expliquées soit par Henry, un professionnel ayant pris le temps d’expliquer les rouages de son métier, soit par Kévin, un enfant de 12 ans précoce dans l’ingénierie et la mécanique des fluides… (I hate you Kevin…)

Que faire lorsqu’il ne s’agit pas d’un meuble suédois à moindre prix, mais d’une application que nous tenons fortement à utiliser, mais qui dans sa phase d’utilisation semble encore plus complexe que de visser quelques planches de bois ensemble ?

Pourquoi et comment le jeu vidéo peut-il nous aider dans ce cas précis ?

#1 Diviser pour mieux régnier

Comprenons-nous bien, loin de moi l’idée de créer la zizanie au sein de votre équipe, mais plutôt d’utiliser à votre avantage cette devise.

Quelques explications s’imposent. Le schéma le plus répandu d’apprentissage d’une application web ou métier aujourd’hui est celui-ci :

Cela se traduit en général par une phase de lecture où nous sommes assaillis d’informations pendant les 5/10 premières minutes (tutoriel). L’utilisateur n’a souvent qu’une envie : la quitter, pour pouvoir se servir de l’app. S’ensuit alors une phase d’utilisation, où, livré à lui-même il doit se rappeler de tout ce qui a été dit précédemment.

Dans l’idée, ça revient à faire un cours théorique de natation où l’on vous explique tout sur la brasse, le crawl, le papillon et le dos crawlé, avant de vous pousser dans le grand bain de 2,50m de fond en espérant que tout ce qu’on vous a appris en théorie sera suffisant pour ne pas vous noyer. Cela vous paraît insensé ? C’est pourtant ce que nous faisons sur le web.

Que diriez-vous de nous inspirer du jeu vidéo? 

Dans le domaine vidéoludique les tutoriels ont plutôt tendance de nos jours à se baser sur le modèle ci-dessous : 

“Diviser pour mieux régner” vous vous souvenez ? En alternant les différentes phases de tutoriel et de pratique pour permettre la prise en main au fur et à mesure de l’application, les jeux vidéo misent sur une progression en douceur, en se basant sur les acquis des joueurs ou non, en leur apprenant les nouvelles mécaniques au fur et à mesure qu’ils en ont besoin et en leur permettant de pratiquer l’information qu’ils viennent d’absorber tout en évitant la surcharge cognitive.

Pour ne donner qu’un exemple sur un jeu datant de 2017, prenons une licence culte de chez Nintendo : “Zelda Breath of the wild”. Que l’on aime ou pas cette licence, on se doit de reconnaître qu’ils ont fait un travail énorme sur l’art de l’apprentissage non intrusif. Si vous possédez le jeu, je vous conseillerais de recommencer l’introduction sinon je vous laisse ci-dessous le lien de vidéo de l’intro :

🎬 User onboarding lessons from Zelda, Breath of the wild

 

Dans cette vidéo, vous pouvez voir que le personnage commence son réveil dans une pièce vide et close, avec comme seul indice le piédestal dans un coin de la pièce. 

L’interface donne directement quelques astuces (“tips”) concernant les manipulations de base (déplacement, caméra et l’accès au menu) et laisse le joueur se familiariser avec les 2/3 touches présentées à l’écran. Certaines interactions s’afficheront de manière ponctuelle pour des actions contextualisées : dans l’introduction, sur le piédestal qui ouvrira la porte (le joueur retiendra qu’interagir avec ce dernier permet de passer à la salle suivante).

S’ensuit une phase de découverte d’une nouvelle pièce, plus longue avec beaucoup plus d’éléments avec lesquels le joueur peut interagir, mais toujours un piédestal dans le fond de ce couloir, cette fois sans zoomer dessus (vous voyez la mécanique se mettre en place ?). 

Nous finirons enfin par la dernière phase, la sortie, indiquant au joueur les dernières touches et mécaniques dont il pourrait avoir besoin pour le début du jeu.

Et voilà, l’aventure peut commencer (le joueur sait désormais : marcher, sauter, courir, grimper et interagir avec les différents éléments du décor alors qu’on lui présente un univers vaste à découvrir). 

Cette méthode d’apprentissage/tutoriel est, en terme scientifique, appelée “l’apprentissage kinesthésique”.

 

#2 L’apprentissage kinesthésique, c’est quoi ?

Il existe différents types d’apprentissage comme il existe différents types de personnalités. Certaines personnes ont une mémoire dite “visuelle” ce qui signifie qu’elles retiennent facilement les informations après les avoir vues ou lues. La mémoire “auditive” permet de retenir facilement les informations qu’elles entendent et enfin la mémoire kinesthésique qui se base sur la mémorisation des mouvements et actions réalisées par l’utilisateur pour la retenir. 

Ça m’a l’air très charabia, je crois que je vous ai perdu…

Essayons une mise en situation

Ça nous est tous arrivé de commencer une partie de jeu de société avec des amis, où un seul, voire aucun des joueurs ne connaît les règles. Il y a alors ce moment d’apprentissage collectif où un joueur tente de lire/expliquer les règles du jeu aux autres et où l’un d’entre nous finit par dire “Non mais, on va faire un tour/une partie pour voir”. Car si chacun comprend plutôt bien les conditions de victoire, les méthodes et détails spécifiques, les règles restent, elles, assez floues et les joueurs préfèrent regarder/demander les règles à un moment donné de la partie, que de passer 20 minutes à écouter et re-demander après parce que tout le monde a oublié.

Cet apprentissage est important, car non seulement il inclut la pratique avec la théorie, mais permet de rendre l’apprentissage accessible aux différents types d’utilisateurs (cf : les différents types de mémoires citées plus haut).

George Fan, le créateur du Jeu “Plants vs Zombies”, a animé un talk intitulé “How I Got My Mom to Play Through Plants vs. Zombies” où il explique pourquoi les phases de tutoriel classique sont un frein à la prise en main d’un jeu ou d’une interface et comment utiliser l’apprentissage kinesthésique dans l’onboarding de vos utilisateurs. 

 🎬 How I got my mom to play through Plants vs Zombies

 

Si 50min c’est un peu long pour vous, voici un petit résumé :

  • Il traite notamment de l’aspect visuel des différents éléments, où comment, d’un simple coup d’œil, vous pouvez savoir ce que font les plantes et les zombies.
  • La phase d’apprentissage, divisée en d’infimes parties pour permettre à l’utilisateur de pratiquer dans une “safe zone” avant de rentrer dans le grand bain.
  • Comment les tests utilisateurs ont permis d’améliorer encore et toujours la prise en main du jeu, et parfois, changé globalement le jeu dans son fonctionnement

 

#3 UX et tutoriel, une histoire de priorisation ?

Bon, on avance bien, mais je vous vois venir avec vos “dis donc Jamy, c’est bien beau tout ça, mais ça marche seulement pour le jeu vidéo ton truc. Comment on fait pour mon projet ?”

Et si je vous disais que votre application n’est finalement qu’un énorme jeu vidéo avec ses propres mécaniques et objectifs à atteindre ? Pourquoi ne pas penser votre interface/projet comme un jeu dès le début, en incorporant directement la phase d’apprentissage dans votre UX ou votre phase de conception. 

Lors de la phase d’idéation, garder en tête que chaque fonctionnalité pourrait avoir besoin de son tutoriel. Tester votre interface sans, si cela marche tant mieux, si vous ne pouvez plus simplifier, alors éduquez, demandez-vous : “comment je fais pour expliquer simplement cette fonctionnalité”.

Vous pouvez, même lors de la phase de création des personae, séparer les différents types d’utilisateurs, pour créer une interface/expérience différente selon si c’est un utilisateur qui a vocation à être expert de votre plateforme ou juste un utilisateur passager qui ne fera que passer par là de temps en temps. 

Demandez-vous si l’utilisateur à réellement besoin de tout savoir dès le début ou si vous pouvez pousser des fonctionnalités après un certain temps d’utilisation.

Le schéma ci-dessous “willingness to learn” explique comment notre volonté d’apprentissage augmente au fur et à mesure que nous utilisons une interface plus ou moins longtemps.

Tentons un exemple

Votre entreprise a créé un outil d’aide à la publication d’articles en ligne sur les différents réseaux sociaux.

Cas n°1 : Vous avez affaire à un utilisateur qui est déjà familiarisé avec ce genre d’interface (la vôtre ou une concurrente) et vous n’avez besoin que de lui expliquer ce qui peut vous différencier d’une autre, les nouveautés, ou lui proposer de l’aide quand il semble chercher quelque chose.

Cas n°2 : Vous avez affaire à quelqu’un qui débute dans ce domaine, que ce soit le logiciel ou la manière de procéder dans ce domaine, et dans ce cas, vous pouvez commencer par apprendre à l’utilisateur comment faire pour enregistrer/ajouter ses articles dans votre base de données.

Dans un second temps, vous leur expliquerez qu’ajouter les bons keywords a leurs articles les fera gagner en visibilité sur le web. Puis incorporez petit à petit la notion de planification en recommandant à l’utilisateur les meilleurs plages horaires pour poster (éventuellement en lui expliquant pourquoi 11h c’est mieux que 2h du matin).

 

#3 Synthèse des bonnes pratiques 

Vous trouverez ici un petit rappel des bonnes pratiques ainsi que quelques autres que nous n’avons pas pu aborder 

Diviser votre tutoriel

Apprenez à diviser votre “tutoriel” en différentes sous-parties dispersées sur l’ensemble de votre application, apprenez aux utilisateurs au fur et à mesure qu’ils la découvrent.

Apprenez-leur à faire, pas à lire

Concentrez-vous sur comment l’utilisateur peut pratiquer pour apprendre et non simplement lire pour apprendre.

Ne pourrissez pas le Groove de l’utilisateur

Un utilisateur qui veut apprendre à utiliser votre plateforme veut, comme je viens de le dire, l’utiliser. Évitez au maximum de le bloquer dans son utilisation de votre plateforme, par exemple : réservez une zone de votre interface à l’aide contextuelle.

Intervenez au moment opportun

Si vous sentez que votre utilisateur doute, et qu’il n’avance plus sur votre parcours, accompagnez-le, demandez-lui s’il a besoin d’un coup de main pour terminer sa tâche en cours.

Rester concis dans vos explications

Utiliser des images, si la tâche est complexe, sinon expliquez brièvement, sans écrire un roman, dans l’utilisation d’une fonctionnalité ou dans une aide pratique.

Un utilisateur qui se trompe, c’est normal

Nous sommes tous sujets à la fatigue ou à quelques oublis, ne pénalisez pas votre utilisateur pour ça, remettez-le dans le droit chemin, accompagnez-le.

 

Quelques articles pour vous aider à approfondir le sujet

🎬  Can we improve Tutorials for Complex Games ? 

https://uxdesign.cc/user-onboarding-lessons-from-the-legend-of-zelda-breath-of-the-wild-8d22abec8342

https://www.ted.com/talks/jane_mcgonigal_gaming_can_make_a_better_world?language=en#t-1178169

https://uxdesign.cc/using-video-games-to-learn-about-product-onboarding-15e3d431ae79 

https://uxdesign.cc/lessons-in-onboarding-from-plants-vs-zombies-d936d58c10c 

 

 

Jordan VATAN –  UI-UX Designer @UX-Republic


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