[UX-Conf 2023] Repenser la représentation visuelle des personas pour un design inclusif

Cet article retrace la conférence de Marie Kuter, UX consultante, organisée le 19 septembre 2023 à Paris lors de la première édition de l’UX-Conf – Human First. Cette conférence aborde le thématique du persona, et notamment l’objectif d’en établir de nouveaux à partir de trois critères:

  • L’accessibilité
  • La diversité
  • L’inclusion 

Qu’est-ce qu’un persona ?

Marie Kuter commence par définir ce qu’est un persona : “Il s’agit d’un livrable clé pour synthétiser les informations récoltées à la suite de recherche utilisateur“. C’est donc une référence clé sur laquelle s’appuyer, où le visuel des personas est défini en fonction des retours utilisateurs.

 

La naissance d’un projet

“Diverse personas” en anglais, est un projet lancé par l’UX consultante en mai 2023, qui se focalise sur l’approfondissement de l’analyse des personas. Pour ce faire, plusieurs sources ont été utilisées :

À ce jour, 211 personas ont été analysés. L’objectif étant d’observer si ceux-ci reflètent un monde accessible et inclusif. Afin d’établir un constat sur les personas existants, l’analyse est structurée autour de 4 axes:

  • Le genre
  • La couleur de peau
  • L’âge
  • L’handicap.

Les attributs de pouvoir comprennent le titre, l’expression du visage, l’environnement choisi, les cheveux ou encore les vêtements.

 

Analyse des personas  

Marie Kuter révèle les premiers résultats de son analyse : il semble qu’il y ait à peu près le même nombre de femmes et d’hommes. En revanche, cumuler les facteurs genre et couleur de peau représentent seulement 1/5 des projets. Les personas sont généralement dépeints comme ayant entre 20 ans et 65 ans. Aussi, parmi ces 211 profils, un seul est représenté avec un handicap (avec une canne pour marcher).

La première analyse nous permet déjà d’élaborer un premier constat : en terme de représentation, la diversité portant sur le genre et la couleur de peau semble correspondre, a contrario de l’handicap et l’âge. De plus, les facteurs “diversité”, “inclusion” et “accessibilité” ne sont pas cumulés pour établir un persona. On se retrouve alors avec des personnes exclues telles que les personnes âgées, celles ayant un handicap ou les jeunes. 

Sur l’échantillon composé de 211 personas, Marie Kuter explique que l’on est encore bien loin de la réalité. En effet, d‘un côté, les femmes sont représentées comme ayant :

  • les cheveux longs et détachés
  • des vêtements “casual” et colorés
  • les titres de manager ou d’étudiante.

De l’autre, les hommes sont représentés comme ayant :

  • les cheveux courts et noirs
  • des vêtements de type costume / cravate
  • les titres d’expert ou d’entrepreneur.

Ces informations permettent d’observer et d’établir une tendance : en terme de posture et de contexte, il y a un certain équilibre entre les hommes et les femmesCependant, des inégalités sont observées notamment au niveau du titre, de l’expression, du style ou encore des accessoires. Ainsi, les personas renvoient un sentiment de stéréotype, très limité et ciblé avec des caractéristiques très inégalitaires.

 

Le persona marketing

Il y a une différence entre le persona “marketing” et le persona élaboré par les UX designers : 

  • Le persona marketing est défini à l’aide de la catégorie socio-professionnelle, la démographie et d’un visuel représentatif.
  • A l’opposé, le persona élaboré par un UX Designer prend en compte le comportement, l’empathie et la psychologie de la personne. Cela donne lieu à un visuel aléatoire.

Marie Kuter se questionne alors : “Comment choisir un visuel pour représenter la personne ? En réalité, c’est un peu arbitraire…”

On est donc face à deux aspects :

  • D’une part, il faut cerner la personne, collecter les informations à travers une approche scientifique.
  • D’autre part, il faut représenter la personne en fonction des informations recueillies. 

Le choix du visuel relève donc du hasard : « On choisit un âge, un nom et une ville qui vont bien ».

 

Des solutions existantes

Plusieurs solutions telles que les IA génératives ou les banques d’images permettent d’élaborer un persona.

Elle explique : “Au départ, je me suis dit que grâce aux générateurs comme MidJourney, DALL-E…, il est possible de faire quelque chose de customisable en choisissant tout nous-même”. Cependant, en prenant l’exemple de ShutterStock, celui-ci dispose d’un filtre d’éthnicité, qui n’est, en revanche, pas satisfaisant. En effet, le choix de bibliothèque en ligne ne peut pas appuyer la recherche en apportant plus de diversité. Marie Kuter renseigne la même idée par rapport à MidJourney : “Hélas, la mention du terme « manager » mène toujours à des visuels d’hommes”.

Cette représentation n’étonne pas l’UX consultante qui nous rétorque que “les intelligences artificielles reproduisent nos propres biais”. Ainsi, on ne peut pas en attendre plus d’elles. Les IA génératives ne sont donc pas la solution.

 

Des progrès à faire

À la suite de toutes ses observations, Marie Kuter présente l’état actuel de son travail : elle introduit la notion d’archétype et indique sa différence avec le terme “persona”.

  • Un archétype désigne les caractéristiques d’un groupe. Ce n’est donc pas quelque chose que l’on illustre avec une seule personne ni une seule histoire. 
  • Le persona représente une seule personne qui illustre ces caractéristiques. 

Aujourd’hui, l’UX consultante travaille sur un mix entre l’archétype et le persona. Elle présente alors un document “compte-rendu” des tests utilisateurs avec différentes sections : 

  • La partie archétype est composée des informations récoltées à partir de recherches utilisateurs (les attentes, les risques, le parcours, les objectifs). 
  • La partie persona représente l’aspect “empathie” et l’aspect “magazine”. Dans cette catégorie, il est possible de raconter des histoires, d’aller dans l’émotionnel.

 

Pour conclure

Marie Kuter termine sa conférence par cette phrase : “Pour faire un monde meilleur, cela implique que nous, les Designers, l’imaginons et le dessinons. Donc pourquoi ne pas commencer par les personas ?”

Il existe peut être une nouvelle manière de représenter les profils issus des retours utilisateurs. On peut alors se demander si le terme persona est toujours d’actualité ?

 

 

 

Angèle Monnin, UX-UI Designer chez UX-Republic