Design numérique : quelles perspectives pour 2023 ?

Depuis plus d’une décennie les outils numériques nous ont permis de répondre à une variété de situations de la vie courante et ainsi nous faciliter le quotidien : réserver facilement un séjour à l’étranger, revendre les vêtements qu’on ne portent plus, commander un repas et se faire livrer ses courses ou encore payer ses impôts en ligne.

Ce foisonnement de nouveaux outils et services s’est tellement accéléré ces dernières années qu’il nous donne la sensation qu’à chaque problème, son application. Que toute situation de la vie courante peut être analysée puis résolue par des méthodes innovantes de travail collaboratif (Design Thinking, Lean Startup ou encore Scrum). Cependant des voix se lèvent contre ce technosolutionnisme c’est à dire le fait de penser que des solutions technologiques peuvent à elles seules répondre à toutes les problématiques de la vie humaine.

Quand est-il réellement, le design numérique peut-il nous sauver de tous nos maux ? Ou bien est-ce trop naïf et certains enjeux sont-ils trop importants pour laisser la main aux seuls concepteurs d’applications et de services ?

Tout en essayant de répondre à ces questions, nous allons décrypter dans cet article les compétences à acquérir pour les métiers d’UX et UI Design en 2023. Trois thématiques pour nous guider : la santé connectée, la protection des données et le design éthique.

1 – Le développement à grande échelle de la santé connectée 

Si cela fait plusieurs années que l’on parle de santé connectée, c’est que son développement ne se fait pas du jour au lendemain. Les premières applications et fonctionnalités concernaient surtout les loisirs : le téléphone devient podomètre numérique, il calcule votre temps de course à pied ou votre vitesse à vélo.

La santé connectée va pivoter, comme on dit dans le langage start-up, du domaine des loisirs vers un usage plus sérieux et devenir un véritable pont entre les patients et les praticiens.

Commençons par les outils de mesure comme le tensiomètre ou le podomètre (calcul du nombre de pas). Pour une adoption massive par le grand public ils doivent être abordables et fiables. Prenons l’électrocardiogramme (ou ECG) qui permet de suivre son activité cardiaque. Il y a quelques années, pouvoir faire un ECG en dehors de l’hôpital, sans un matériel sophistiqué et encombrant était inconcevable. Aujourd’hui une montre connectée  permet de le faire depuis son poignet, n’importe où et n’importe quand.

Ces outils de mesure et leur utilisation vont nécessiter les compétences des UX Designers. Leur rôle principal sera d’instaurer des bases vertueuses pour convaincre et gagner la confiance des utilisateurs.trices. En effet selon un sondage, 60% des Français ne sont pas favorables au développement des consultations médicales par Internet (sondage BVA, 2017).

En plus des critères UX traditionnels d’ergonomie et de hiérarchisation des contenus, l’accent doit être mis sur l’empathie, le ton et la manière de présenter les informations. De solides capacités pédagogiques et une capacité à vulgariser un jargon médical parfois complexe seront des atouts pour évoluer dans le domaine de la santé connectée, e-santé ou health tech.

Santé mentale

Si nous avons évoqué jusqu’à maintenant uniquement la santé physique, la santé mentale n’est pas en reste.

La pandémie mondiale à mis en lumière l’importance de la santé mentale notamment chez les jeunes. Selon une étude publiée le 6 octobre 2021, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) note une dégradation de la santé mentale chez les jeunes de 15 ans ou plus en 2020.

Confinés chez nous pendant plusieurs semaines, ce n’est donc pas seulement nos échanges professionnels que la visioconférence a bouleversé mais également la médecine à distance. Faire une séance avec un psychologue, passer sa visite médicale du travail ou faire observer sa peau par son dermatologue par webcam sont des usages qui se sont normalisés.

Afin de répondre à ces nouveaux usages et donc aux besoins des utilisateurs, les personnes chargées de la conception d’interface utilisateur doivent être capable de faire comprendre des informations médicales complexes de manière digeste, sous forme de tableau de bord par exemple.

Maitriser la représentation de données (en anglais data visualisation) article en lien à travers des graphiques, des chiffres et des pictogrammes restera un atout majeur pour passer d’une donnée brute à une donnée intelligible et pertinente pour l’utilisateur.

Tableau de bord pour le suivi d’activité 

Grâce au fait que de nombreux objets du quotidiens deviennent connectés à des réseaux eux même toujours plus rapide (5G et Wifi 6 et même 7 à horizon 2023) le flux de données va continuer de s’amplifier et de se complexifier.

Les compétences à maitriser ne se limiteront donc pas à des écrans statiques, dans un seul format. Comme on le sait grâce aux pratiques de l’Atomic Design  il faut adapter le contenu d’un écran d’ordinateur, à un smartphone ou un tableau de bord de voiture jusqu’au cadran d’une montre connectée.

Présenter de manière claire et compréhensible des informations ou données sur un cadran de montre est une tâche complexe de conception d’interface. Faut-il imaginer un contrôle par la voix comme avec les assistants vocaux ? Ou un contrôle par le geste comme essayent les chercheurs du MIT ? Article en lien . Des solutions existent déjà, d’autres sont à inventer et c’est la mission des UX Designers de trouver des alternatives pour contrôler les interfaces homme-machine (IHM).

L’enjeu principal pour les entreprises et administrations sera de rendre ces données intelligibles c’est à dire utiles pour servir leur développement et pertinentes pour les utilisateurs.trices. Prenons l’exemple d’une société de recyclage qui a des mesures de quantité de déchets recyclés par ses clients.

Un UX Designer pourra alors concevoir un outil de tableau de bord (en anglais Dashboard) permettant de « faire parler » ses chiffres pour le client final. Par exemple « Vos efforts de recyclage ont permis d’éviter 3,5 tonnes de CO2 dans l’atmosphère ».

2 – Sécurité et protection des données :  

Les récentes fuites de données massives, les scandales d’utilisation des données personnelles par des sociétés privées ou la propagation de fausses informations ont érodé la confiance du public et transformé leurs habitudes numériques.

La riposte ne s’est pas fait attendre et de nombreux acteurs se sont posés en garants du respect de la vie privée. On peut citer des services de messageries chiffrées (Signal, Telegram) aux moteurs de recherche alternatifs (Qwant, DuckDuckGo) en passant par les boîtes mails à la sécurité renforcée (ProtonMail, Tutanota).

La notion de protection de la vie privée dès la conception (en anglais Privacy by Design) restera donc d’actualité pour l’année à venir. Cette approche a été popularisé en Europe dès 2018 par l’adoption du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Concrètement pour un UX Designer cela consiste à éviter le recours aux darks patterns ou interfaces truquées en français. Ces interfaces ont recours à des biais cognitifs afin de manipuler l’utilisateur à faire une action plutôt qu’une autre ou à rester le plus longtemps possible sur la plateforme en question. Si leur utilisation peut être justifié par des enjeux business à court terme, ces mauvaises pratiques trompeuses sont à proscrire.

3 – Design Ethique, sobriété énergétique et empreinte carbone du numérique

Le point positif de ces tendances est le retour en grâce du design éthique. Concevoir de manière éthique peut s’entendre au sens écologique (un design responsable car durable dans le temps) ou au sens moral (respect des utilisateurs). Concevoir un site web ou une application de manière écologique, est-ce du greenwashing ou une réalité encore négligée ? Comment faire concrètement ? Il s’agit d’une responsabilité collective qui concerne toutes les parties-prenantes. Il s’agit du client, mais aussi du chef de projet, aux développeurs en passant par les designers d’expériences.

Prenons un outil qui peut permettre d’apporter un premier élément de réponse lors de la conduite d’un projet en équipe. Le site Website Carbon Calculator (websitecarbon.com) est un outil qui permet de calculer l’empreinte carbone de n’importe quel site internet. L’objectif est surtout de faire prendre conscience de l’impact environnemental du numérique, notamment à cause de la consommation électrique des centres de données, puis des réseaux de télécommunications et enfin des appareils des utilisateurs. Une compétence importante à développer est donc la capacité à sensibiliser nos clients sur l’importance de lutter contre la pollution numérique.

Cela répond pour eux à deux enjeux sensiblement importants : respecter leurs engagements en terme de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et se distinguer de leurs concurrents. Bénéfice non négligeable, cela améliore également leur image de marque.

Rentrons dans des considérations techniques, voici quelques astuces pour limiter au maximum l’impact énergétique d’un projet web :

  • Utiliser des images plutôt que des vidéos : si le format vidéo a rapidement remplacé les images sur le web et les réseaux sociaux, son utilisation a un impact sur la consommation globale d’énergie. En faisant attention au poids des images (plus c’est léger, mieux c’est) on améliore leur vitesse de chargement sur la page tout en diminuant l’impact carbone.
  • Le choix des typographies : l’idéal d’un point de vue graphique est de ne pas mélanger trop de polices de caractères. On peut se contenter de deux polices différentes et jouer avec les graisses (fine, légère, grasse, extra grasse). Cela évite de surcharger la mémoire RAM l’appareil de l’utilisateur qui doit stocker toutes les polices le temps qu’il visite le site.
  • Développement frugal : écrire un code propre, sans ajouter des morceaux de code à droite à gauche permet de ne pas envoyer de multiples requêtes lors de la navigation. Comme le fait de modérer l’utilisation de plugins, JavaScript ou de modules extérieurs (API). Sachant qu’une navigation sans interruption (éléments pop-up à fermer, fenêtre intempestive) améliore aussi grandement la satisfaction utilisateur.
  • La liste complète en anglais est à retrouver ici : https:// www.wholegraindigital.com/blog/website-energy-efficiency/

Nous venons de le voir les perspectives sont vastes dans le domaine du design numérique pour les prochaines années. Les idées ne manquent pas pour imaginer des nouveaux leviers de croissance pour les entreprises qui respecteront à la fois leurs enjeux commerciaux, la vie privée ainsi que les aspirations éthiques et environnementales des utilisateurs. C’est notre rôle en tant que Designer de mobiliser nos compétences techniques à notre capacité d’empathie pour répondre à ces nouveaux défis.

Thomas GRANGEON, UX Designer @UX-Republic


 


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