Cet article retrace la conférence de Paul Thanasack, Head of UX chez ADEO Services, organisée le 13 juin 2024 à Tourcoing lors de la quatrième édition de l’UX-Conf – Human First. Le thème de sa présentation : “Réussir ensemble : bâtir un collectif UX au cœur d’une transformation digitale”.
Paul a passé 12 ans à développer ses compétences en UX design dans divers secteurs en France et à Montréal. En 2021, il devient Head of UX chez ADEO Services, pilotant la transformation digitale des expériences des collaborateurs et partenaires. Toutes ses expertises lui permettent de partager lors de cette conférence :
- Ses clés de succès, issues à la fois d’expériences professionnelles et personnelles.
- Les grands principes mis en place pour créer un collectif humain capable de faire la différence.
Le design : la clé pour une bonne expérience de travail en équipe
Paul Thanasack est formel, “le design sert à s’assurer qu’on a une bonne expérience de travail collaboratif en équipe. L’expérience de travailler ensemble est à mon sens aussi importante que l’expérience utilisateur délivrée au final”. On comprend alors que pour lui et pour la plupart des travailleurs, le vivre ensemble et la bonne entente entre collègues sont essentiels.
Il explique : “Ce qui m’importe en tant que designer, c’est de savoir que j’ai passé du bon temps avec mes collègues, de me souvenir qu’on a réussi à construire des choses ensemble. Ce sont ces expériences qui restent marquées dans mon esprit”.
Un projet de transformation digitale
Tout d’abord, il nous faut un peu de contexte : ADEO Services est le groupe qui appartient à la famille Mulliez. Elle détient plusieurs enseignes dans le bricolage, dont Leroy Merlin, Bricoman, Weldom, etc.
Il y a quatre ans environ, ADEO a démarré un grand projet de transformation digitale pour que toutes les enseignes du groupe, localisées dans différents pays (14 pays au total), aient à leur disposition des outils digitaux communs.
Il explique qu’avant, il y avait un site web par pays et par enseigne, avec des équipes IT dissociées : “Il y avait énormément de redondance et très peu de valeur ajoutée globale”.
Le Head of UX ajoute : “Actuellement, on est en plein mouvement mais on est plutôt proche de la fin de la construction de ces outils digitaux. Mon équipe travaille sur une plateforme qui est responsable de l’ensemble des outils utilisés par nos fournisseurs et nos collaborateurs en centrale d’achat”.
Paul présente alors leur démarche :
- Lors de son arrivée chez ADEO, la plateforme était très hétérogène tant dans la maturité des produits digitaux que dans celle des équipes dans leur pratique de l’UX
- Ils ont donc cherché des axes d’amélioration pour chacune des applications. Une problématique majeure ressortait : les interfaces étaient complexes, différentes et les irritants redondants
- Durant trois ans, leur idée était d’homogénéiser cette expérience utilisateur avec une équipe d’une quinzaine de designers, chacun se concentrant sur un aspect spécifique de l’expérience.
- Aujourd’hui, un portail centralisé a été mis en place, facilitant la navigation et l’utilisation des différentes applications.
L’importance des design systems et le concept de Paced Layers
Paul Thanasack présente alors un article de Josh Clark, qui travaillait avec Brad Frost, sur lequel il est tombé il y a un an.
Dans cet article, on retrouve divers problématiques et thématiques :
- La mise en place d’un design system au sein d’une organisation.
- L’évolution d’un design system en parallèle avec la vision produit.
- Le concept de Paced Layers qui, comme l’explique Paul, “consiste à imaginer la période de révolution d’une planète : si on y ajoute plusieurs planètes, il faut prendre en considération le fait qu’elles n’iront pas toutes à la même vitesse.” Il fait alors un parallèle : “en s’appuyant sur cette théorie, on remarque qu’elle existe depuis longtemps à travers la mode, le commerce, les infrastructures”. Paul insiste également sur l’importance de l’approche des Paced Layers : selon lui, “si on veut réussir à mettre en place des actions avec succès, il faut comprendre les impacts que ça peut avoir sur les différentes couches de l’organisation (qui sont les membre de l’équipe design, l’entreprise dans laquelle les designers évoluent et les utilisateurs finaux)”. Il met en revanche un point très important sur le fait que la réussite sur les utilisateurs finaux est dépendante des résultats des deux strates précédentes.
Il conclut : “c’est un article qui a réussi à cristalliser toute ma vision du design. Je vous invite vivement à le lire si vous ne l’avez pas fait !”.
L’importance d’une culture d’équipe
En tant que leader de l’équipe de design, Paul pointe l’importance d’une vraie culture de “club”.
C’est pour cela que pour garantir la cohérence et l’efficacité, l’équipe design a mis en place des ateliers d’idéation et des design reviews hebdomadaires. Ces sessions permettent de générer un maximum d’idées et d’atteindre un consensus, même en présence de visions divergentes. Le sketching, souvent sous-estimé comme le souligne Paul Thanasack, permet de faire émerger des idées rapidement et de créer une base commune pour la suite du processus de design.
Il explique alors : “à l’issue de cet atelier, on a remarqué que des personnes qui n’avaient pas la même vision d’une problématique, ont quand même réussi à travailler ensemble et à converger vers quelque chose de commun”.
Il rebondit : “je pense qu’on est passé d’individus qui aimaient faire du design à des leaders du design dans l’entreprise”.
Paul présente alors la démarche utilisée chez ADEO Services :
- En 2021, ils ont concentré leur intérêt sur les méthodes et les process communs.
- En 2022, ils en ont retiré des guidelines et ont créé l”UX-BAR”. Ce label de désigne un ensemble de critères pour les produits digitaux qui sont produits chez ADEO, pour lesquels il faut absolument répondre. Grâce à cela, ils ont réussi à homogénéiser le design de toutes leurs interfaces.
- En 2023, les designers qui travaillent dans ce collectif et qui ont vraiment été nourris de cet esprit d’équipe viennent également coacher des designers dans d’autres organisations. Le Head of UX explique : “Maintenant que toutes nos interfaces sont homogènes et partagent une navigation commune, on se demande comment fusionner les applications entre elles pour éviter à l’utilisateur de faire des allers-retours.”
Que retenir de ces trois années d’expertise ?
Pour conclure, Paul partage ce qu’il a retenu de ces trois années et demi d’expérience :
- Un leader du design est à la fois un expert du métier et un manager hiérarchique. Il souligne le fait que celui-ci “a fait le métier au préalable pour pouvoir aider les autres designers quand ils ont des questions pratiques”.
- Il faut utiliser la théorie des Paced Layers pour permettre de définir des objectifs qui soient toujours liés au développement des collaborateurs et de l’organisation. Il donne un exemple pour exprimer son idée : “si j’ai besoin de recherche utilisateur, je vais m’entourer de personnes qui veulent s’améliorer sur la user research. Selon moi il est plus intéressant de trouver une personne qui trouve un intérêt personnel à aller chercher plus de compétences dans le domaine, contrairement à quelqu’un de hautement qualifié qui pourrait être moins impliqué car en recherche d’autres challenges”.
- Il est important de réussir à capitaliser sur une équipe qui est multiple, autant dans ses personnalités, ses origines que ses compétences. Il ajoute : “personnellement, j’ai la chance d’avoir animé un collectif présentant des personnes de différents parcours et origines”. C’est finalement ce qui va apporter beaucoup de valeur au métier car des points de vue différents nourrissent la réflexion continuellement.
- Une autre chose à retenir : être proactif dans la communication. Il explique : “je pense que la communication est centrale. Et dans les faits, l’ensemble des problèmes que j’ai réussi à identifier au sein de ces 3 ans sont toujours liés à des problèmes de communication entre des humains. Il est important de valoriser ce domaine dans les années à venir. Celui-ci permet réellement de faire la différence dans les équipes”.
- Il est nécessaire de comprendre le “flow des choses”. Comme Paul l’explique, l’état de flow renvoie à l’idée où il est facile d’exprimer ces compétences tout en étant suffisamment challengé. “C’est important de comprendre ce principe, que cela soit dans votre équipe ou dans l’organisation même. Par exemple, j’ai essayé de faire passer de nouveaux sujets, mais à un moment, je me suis rendu compte que ce n’était pas le bon moment, car ce n’était pas forcément dans l’ordre des priorités des équipes ni dans leur capacité d’apprentissage. À l’inverse, lorsque l’on arrive à pousser les bonnes méthodes au bon moment, et si elles sont en lien avec les objectifs de développement de l’organisation, on a beaucoup plus de chances d’atteindre un succès.” Paul insiste sur ce point : tout le monde fait de son mieux. Cela permet alors de comprendre que dans chaque process, les avis divergent, que chacun donne ses idées, et qu’évidemment cela va prendre du temps.
Conclusion
L’approche de Paul Thanasack met en lumière l’importance cruciale du design dans la création d’une expérience collaborative positive au sein des équipes. Il insiste sur le fait que le vivre ensemble et la cohésion sont aussi essentiels que les résultats finaux des projets. Le grand projet de transformation digitale d’ADEO, auquel il a contribué, témoigne de l’importance d’homogénéiser et de simplifier les outils digitaux pour améliorer l’efficacité et l’expérience utilisateur.
Il souligne surtout l’importance d’un leadership de design qui combine expertise métier et compétences managériales. La capacité à comprendre et à utiliser la théorie des Paced Layers, à recruter et développer des talents variés, et à valoriser une communication proactive sont des éléments clés pour réussir dans ce domaine. Enfin, Paul Thanasack rappelle que le succès réside dans la capacité à aligner les efforts individuels avec les objectifs globaux de l’organisation, tout en créant un environnement de travail où chacun peut s’épanouir et exceller. Comme il le souligne, “Je pense que si on arrive à apprécier chacune de ces strates, c’est beaucoup plus simple de le faire”.
Inès Barbara, Assistante Communication et Marketing chez UX-Republic