[UX-Conf Édition Lille] Libérer le pouvoir de l’UX : meilleures pratiques pour établir et développer une culture de l’UX

Cet article retrace la table ronde “Libérer le pouvoir de l’UX : meilleures pratiques pour établir et développer une culture de l’UX”, organisée le 13 juin 2024 à Tourcoing lors de la quatrième édition de l’UX-Conf – Human First. Animée par Nicolas Lepelley, Coach UX/UI et Product designer chez UX-Republic, cette table ronde a réuni trois experts du Design :

  • Sophie Morin, Lead designer chez Leroy Merlin 
  • Cédric Cognon, Lead UX/UI chez ÏDKIDS
  • Marie Raccuglia, Expert innovation senior chez Chanel 

Les thématiques et enjeux abordés 

  • Les stratégies utilisées pour implanter une culture UX dans des environnements où les mentalités sont déjà bien établies. 
  • Le développement efficace d’une culture mixte et durable dans l’entreprise. 
  • L’instauration et le renforcement progressif de la culture UX au sein des organisations grâce à une gouvernance dédiée.
  • L’obtention d’un soutien organisationnel indispensable dans le but de prouver l’impact positif de l’UX sur les performances.

Créer une symbiose d’entreprise : l’UX au coeur des défis

La vision de l’UX en tant que formateur 

Cédric Cognon porte deux casquettes professionnelles : celle de responsable de l’expérience digitale chez Jacadi, mais aussi celle de formateur pour l’école Rubika. Il évoque alors la différence entre former à l’UX des professionnels et des étudiants : 

“Aujourd’hui, former des futurs professionnels de l’UX, c’est plutôt « facile » car on s’adresse à des gens qui connaissent et grandissent avec l’UX. Alors qu’en interne, on est plutôt face à des collaborateurs qui viennent d’expériences différentes, qui sont dans des postes différents. On n’est pas là pour les former d’une certaine manière, mais plutôt pour les acculturer globalement à la culture de l’UX”. 

Ce qu’il faut retenir, comme le disait Cédric, c’est qu’il faut “saisir le moindre moment, le moindre instant de l’entreprise pour parler non pas de l’UX mais du client”. En effet, il termine par affirmer qu’il est nécessaire d’utiliser le “langage des personnes à qui on s’adresse” dans le but de les convaincre. Tout cela permet alors de “pousser la pierre de l’UX au sein de l’entreprise”.

Comment mesure-t-on l’impact de l’UX sur le business selon Marie Raccuglia ?

L’Experte Innovation senior commence d’abord par souligner l’importance de “traduire au mieux les enjeux UX avec des enjeux business, et vise et versa”. Selon elle, il est primordial de comprendre que l’UX est un “levier stratégique” pour le développement des visions business. Pour se faire, il faut aussi que les UX s’immergent dans les practices business afin d’appréhender et comprendre les mécaniques des enjeux business dans leur globalité, mais aussi toute leur complexité et leur transversalité pour traduire ses mêmes enjeux tentaculaires de manière optimale. De plus, au-delà de définir les KPIs, il faut aussi définir les Key experience indicator souvent oubliés dans la définition des visions et stratégies. 

Marie Raccuglia est également conférencière, enseignante et intervenante dans des écoles de design et de commerce dont la Sorbonne business school et la fashion and luxury business school. La règle principale qu’elle donne à ses élèves est d’apprendre à “traduire leur enjeu UX en fonction des parties prenantes en face d’eux qu’il soit business, tech ou autres”. Il est fondamental de savoir ajuster et aligner son discours, de démontrer l’importance de leur démarche UX et maximiser leurs impacts. Comme on le dit continuellement en UX, il est important de contextualiser son travail. 

L’histoire du framework design chez Leroy Merlin 

Il y a presque deux ans de cela, l’entreprise avait une toute autre organisation pour les designers : en effet, ils étaient disséminés dans les teams produits et n’étaient pas managés par des profils de designers. Ils ne se connaissaient pas entre eux, ne partageaient pas leurs problématiques, leurs artefacts, etc. En d’autres termes, et comme le souligne Sophie Morin, “il n’y avait pas cette culture UX, en tout cas telle qu’elle a pu être ancrée avant chez ADEO”. 

Comme l’explique la Lead designer, la direction Digital Data Leroy Merlin a finalement pris la décision d’embaucher une Head of Design, qui a pu intégrer le co-lead de la direction Digital Data. Par la suite, elle s’est entourée de Lead designers dans le but de “commencer à structurer une équipe avec un management hiérarchique de designers”. 

Elle ajoute : “On devait déjà s’apprivoiser entre designers, et ensuite, on allait pouvoir montrer ce qu’on pouvait apporter à l’organisation, en acculturant l’organisation à nos métiers, nos méthodes et la valeur qu’on pouvait apporter dans le cycle de vie des produits et des services .” 

Elle conclut en disant que finalement, “au-delà de la méthode, la création de ce framework avait pour but d’aider les gens à se connaître, à connaître notre quotidien, à dé-siloter les teams, et à comprendre ce qu’on pouvait s’apporter les uns les autres pour créer cette symbiose d’entreprise”.

L’engagement UX des C-levels avec ÏDKIDS

Pour Cédric Cognon, il existe deux points importants à garder en tête : 

  1. L’UX lutte pour se positionner le plus possible en amont des organisations, afin d’en être l’initiateur des projets : “On est censé être à la base de la voix du client, de l’écoute du client…”
  2. Il est nécessaire de communiquer le plus fréquemment possible sur tout ce qui est fait avec le client. Il évoque alors l’utilisation de l’outil Meet qui permet aux équipes d’ÏDKIDS de partager à l’ensemble de l’entreprise leurs tests utilisateurs en live.

 “On a besoin de se connecter et surtout d’entendre les clients s’exprimer en live. Cela permet notamment de communiquer sur les projets en cours au niveau du digital”.

Comment aligne-t-on les objectifs UX aux objectifs business selon Marie Raccuglia ?

Un des points les plus importants : le mindset. Il est nécessaire de “démystifier” l’idée que ces deux domaines ne sont pas liés. Au contraire se sont les 2 faces d’une même pièce.  

Pour Marie, afin de permettre cet alignement, il faut que l’UX soit intégré dans les instances de gouvernance et  d’arbitrage, mais aussi qu’il dispose “d’un pouvoir de décision”, ainsi qu’une vision dans les enjeux cross-disciplinaires. 

“La partie priorisation UX au sein du schéma global des enjeux de l’entreprise est d’ailleurs fondamental pour donner du sens à la démarche UX et démontrer son importance auprès des différentes parties prenantes en interne”. Aujourd’hui, cette démarche et ses enjeux sont communiqués de manière restreinte au sein des practices UX. Il faut rendre visible ses enjeux et surtout ses impacts, mais aussi ses gains de manière concrète. 

L’équipe Design Experience chez Leroy Merlin et la promotion d’une culture UX

Sophie Morin explique que l’équipe Design chez Leroy Merlin possède des rituels à plusieurs niveaux : 

  • chacun des designers ont des rituels au sein de leurs teams produits
  • chacune des features teams de designers (qui travaillent sur des problématiques communes) se retrouvent de manière hebdomadaire pour parler roadmap, challenges, reviews, etc. 
  • puis toute la team de designers (une vingtaine) se voit mensuellement (construction et suivi d’OKR d’équipe, REX sur les projets,  partage de bonnes pratiques …)

Le but ? Un alignement des équipes fonctionnant sur la base du partage, et favoriser une visibilité transversale des sujets. 

 

Un alignement entre UX et innovations  

Quel rôle jouer face aux tendances émergentes en tant que designer selon Cédric Cognon 

Deux questions essentielles se posent : 

  1. Comment le designer va pouvoir utiliser l’IA dans son quotidien professionnel ?
  2. Et surtout, comment le designer va-t-il faire pour ne pas perdre sa valeur ajoutée ?

Il explique l’importance de l’UX designer dans la partie research : “le designer UX va s’intéresser à l’historique, c’est-à-dire de ce qui a été fait auparavant.” 

Selon lui, l’IA n’est pas une solution de remplacement. En effet, l’UX designer va pouvoir, à l’inverse de l’intelligence artificielle, “avoir sa sensibilité et sa formation par rapport à la marque, les projets au sein de l’entreprise qu’il connaît, et sa réponse sera toujours beaucoup plus sensible et adaptée, de par sa personnalité elle-même”. 

En revanche, le Lead UX/UI soutient que l’IA est un outil utile, capable de nous libérer des tâches chronophages et routinières, sur lesquelles nous n’apportons pas de réelle valeur ajoutée.

L’innovation et l’UX : le retour d’expérience de Marie Raccuglia

Selon elle, tout ce qui touche à l’innovation est une réelle valeur ajoutée, et va permettre de capitaliser pour aider les autres départements UX.

Pour justifier cette affirmation, l’Experte innovation senior va donner un exemple auquel elle a pu être confrontée : elle explique qu’avant cette émergence de l’IA, cette dernière était déjà utilisée par ses équipes. Cela leur a alors permis de pouvoir mettre en application et optimiser l’usage de ces outils par la suite plus largement afin de permettre : 

  • l’harmonisation des outils, méthodes, framework et nouvelles approches en interne.
  • l’implantation des outils d’IA les plus pertinents dans l’ensemble de la chaîne de valeur des différents départements.
  • la maximisation de la vélocité et de l’efficience des équipes.

Comme elle le souligne, cette expertise a aussi ce rôle d’innovation organisationnelle et structurelle en interne, permettant de fluidifier l’expérience collaborateur pour leur faire gagner en efficience et simplifier leur quotidien. 

 

Améliorer et développer l’UX au sein des équipes design 

Diffuser la culture UX  avec la méthode “step by step” selon Sophie Morin 

Elle en est convaincue, cette méthode marche ! Leroy Merlin utilise d’ailleurs cette technique, connue sous le nom de “framing”. Voici leur démarche : 

  • L’exploration d’un sujet et son alignement
  • La réunification de toutes les parties prenantes du projet
  • La réécriture de l’expérience utilisateur cible à atteindre (vision)
  • La priorisation des éléments “les plus irritants à régler et qui créeraient de la valeur demain” 
  • La création d’une trajectoire et ses priorités 

Sophie ajoute un point important : “il faut intégrer les développeurs au plus tôt dans la démarche ! Cela leur permet déjà de s’immerger dans le contexte, dans les problèmes, dans les priorités, pour avoir un regard sur la pertinence et l’efficience de cette user story : l’effort et la valeur”

Les tips de Cédric Cognon pour un atelier interne réussi 

Il commence  : “tout ce qui est atelier d’idéation, ce sont des choses qui sont vraiment passionnantes ! ” Selon  lui, cela se rapporte à la “notion de facilitateur au sein de l’entreprise” ; le but étant de “réunir des collaborateurs d’univers totalement différents, autour d’une problématique particulière via des méthodes d’ateliers UX, pour finalement les faire converger vers une solution commune”. 

Pour le Lead UX/UI, il n’existe pas forcément de tips à proprement parler. Cependant il ajoute : “le plus important est de réussir à faire passer l’idée que tout le monde va sortir des idées et va collaborer autour d’une idée commune. Il faut leur montrer via nos petites méthodes diverses et variées que l’on va faire émerger ces idées.”

L’UX research chez Leroy Merlin : une approche puissante pour le développement de la culture UX 

Sophie Morin pose le contexte de l’entreprise : chez Leroy Merlin, la culture terrain est une valeur déjà acquise (l’importance des feedbacks des collaborateurs, etc.). En revanche, cette user research n’est pas toujours menée par des designers et cela pose problème. En effet, il est difficile pour eux de récupérer des insights sur des projets qu’ils n’ont pas maîtrisé directement. Les résultats peuvent être biaisés. 

La solution selon elle : “il faut certifier son biais ! C’est la responsabilité d’un designer : il doit mener son plan de recherche, son périmètre de recherche et embarquer avec lui tous les sponsors du projet ainsi que les parties prenantes du projet en tant qu’observateur. Il faut qu’il y ait une prise de conscience, sans analyse biaisée, pour vraiment être sûr d’avoir bien pointé tous les éléments méritants et détecter tous les gisements de valeurs prioritaires à adresser demain”.

Conclusion 

Dans cette table ronde, plusieurs points clés ont émergé pour établir et développer une culture de l’UX : premièrement, il est crucial de développer une dynamique collective grâce au design, que Nicolas Lepelley décrit comme “un outil puissant à ne pas négliger”. Former et sensibiliser les équipes en adoptant une posture de coach est également essentiel, tout en intégrant activement les utilisateurs et les C-level dans les démarches.

Mesurer les indicateurs au fil du temps et les intégrer dans la stratégie de l’entreprise dès le début est fondamental. Cultiver une culture de la recherche en expérience utilisateur sans oublier la dimension politique du métier est également important. La proactivité face aux nouvelles technologies et innovations, ainsi qu’une approche centrée sur l’humain, en mettant l’accent sur l’éthique, les enjeux sociétaux, la co-conception et l’inclusion, sont des aspects essentiels.

Enfin, pour continuer à développer la culture UX, il est nécessaire de travailler de manière transversale afin de placer l’utilisateur au cœur du processus design.

Maintenant, vous avez toutes les cartes pour atteindre la clé du succès 😉

 

 Inès Barbara, Assistante Communication et Marketing chez UX-Republic