Lors de la conception des parcours de transactions bancaires, nous sommes régulièrement confrontés à un dilemme : comment proposer une expérience fluide, intuitive et rapide, tout en répondant aux exigences de sécurité et de conformité réglementaire ?
Ce qui est frappant lors des entretiens utilisateurs, c’est que la majorité comprend l’intérêt des étapes de sécurité.
Oui, elles ralentissent parfois l’expérience. Mais elles jouent un rôle important :
- elles protègent contre la fraude (en particulier lors des virements et paiements)
- et elles permettent à l’utilisateur de prendre le temps de vérifier son action.
Les étapes de sécurité ne s’opposent donc pas à l’optimisation des parcours. Ce qui est important est de savoir comment elle est intégrée et perçue.
1. Un point de friction bien pensé peut sécuriser sans frustrer.
En UX design, le terme “friction” évoque une gêne car cela provoque une rupture dans le parcours. Mais, dans l’univers bancaire, la friction peut aussi être intentionnelle et bénéfique.
Prenons un exemple : Lorsque l’utilisateur effectue un paiement en ligne, il est logique d’ajouter une étape de validation. Ce n’est pas un obstacle, c’est une barrière de protection.
On pourrait même être tenté d’écourter les étapes pour que l’utilisateur effectue le moins de clic possible. Mais en réalité, c’est rassurant pour nos utilisateurs.
Souvent, j’entends l’exemple d’Amazon où aucune validation bancaire n’est montrée lors du parcours, ce qui génère des inquiétudes. On se demande si le paiement est réellement sécurisé.
En revanche, il peut encore y avoir des frictions non justifiées comme :
- des messages d’erreur sans explication compréhensible,
- des demandes de vérification redondantes,
- des parcours qui obligent à recommencer depuis le début en cas d’erreur
- et bien d’autres cas concrets qui frustrent les utilisateurs.
L’enjeu n’est donc pas de supprimer toutes les frictions mais de discerner celles qui ont du sens de celles qui relèvent d’un design pas abouti.
2. La sécurité peut être efficace sans se faire remarquer.
Aujourd’hui, la sécurité peut être efficace tout en étant discrète. Ces dernières années, nous avons vu apparaître de nouvelles méthodes d’authentification pour assurer la sécurité sur nos smartphones.
- L’authentification biométrique : plus rapide et plus naturelle que les codes et mots de passe.
La biométrie regroupe l’ensemble des techniques informatiques permettant de reconnaître automatiquement un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques, voire comportementales.
- Paiements mobiles via des wallets (Apple Pay, Google Pay, …) : l’utilisateur perçoit une expérience fluide, presque instantanée. Pourtant, en coulisses, ce sont des systèmes de tokenisation, des certificats de sécurité et des protocoles cryptographiques qui assurent la protection.
On peut donc dire que la sécurité ne bloque pas l’utilisateur. L’expérience est fluide car la complexité technique est absorbée par l’interface.
3. Une interface claire et cohérente renforce le sentiment de sécurité.
Dans les parcours de paiement, l’UI designer joue un rôle central pour instaurer un climat de confiance. Bien avant de comprendre les mécanismes techniques en arrière-plan, l’utilisateur va se sentir confiant ou non face aux écrans qui lui sont proposés :
- Utiliser des couleurs et des pictogrammes cohérents : par exemple, un cadenas pour signaler une zone sécurisée, du vert pour valider, du rouge pour alerter.
- Afficher des feedbacks immédiats après chaque action : par exemple, “paiement en cours”, “validation réussie”, …
Et je rajouterai également qu’il est important d’avertir les temps d’attente lors d’un chargement un peu plus long que d’habitude car, lors d’un paiement, l’utilisateur peut être nerveux.
- Soigner la microcopy : plutôt que des messages techniques, utiliser des formulations simples et rassurantes.
Je pense tout de suite aux erreurs techniques. Par exemple, au lieu de transmettre le message “Veuillez compléter l’authentification SCA”, proposer un message plus engageant et compréhensible : “Pour sécuriser cette opération, une vérification rapide est nécessaire. Cela ne vous prendra que quelques secondes”.
4. Mieux informer les utilisateurs les aide à agir en toute confiance.
Une bonne expérience utilisateur ne repose pas uniquement sur de grands parcours bien pensés. C’est aussi l’attention portée aux micro-interactions qui vont traduire le soin apporté à l’expérience utilisateur.
Deux exemples fréquents sur nos interfaces bancaires :
- Lorsqu’un utilisateur réalise un virement important, un message récapitulatif avant la validation avec le montant, le bénéficiaire et la date d’exécution.
Ce simple détail visuel attire l’attention sur l’essentiel et réduit le risque d’erreur.
- Après la validation d’un paiement, un écran de confirmation avec le montant est affiché. On peut également y afficher le solde mis à jour, la référence du virement ou une option pour ajouter le bénéficiaire en favoris.
Ce type de feedback précis et immédiatement actionnable renforce la sensation de maîtrise et de clarté pour l’utilisateur.
Ces petits détails sont souvent invisibles pour l’utilisateur jusqu’au jour où elles manquent. C’est un sujet sensible que l’on traite : son argent. Il faut donc éviter qu’il se pose des questions et soit inquiet.
5. Chaque détail compte pour créer une relation de confiance durable.
Aujourd’hui, les utilisateurs attendent plus qu’une application qui fonctionne. Ils veulent plus. Ils veulent une app qui :
- les comprend : avec des parcours simples et personnalisés,
- les rassure : avec des éléments de réassurance visibles,
- les respecte : en ne les noyant pas d’étapes inutiles.
Une interface bancaire doit permettre de sentir toute la sécurité liée mais sans l’imposer de manière brutale. La confiance va plutôt se construire grâce à de petits détails : un bouton correctement placé, un message clair, un temps de réponse adéquat, …
Conclusion : réconcilier sécurité et simplicité, c’est possible !
Lors de l’étape de conception, la création des parcours de paiement ne consiste pas à choisir entre sécurité et fluidité mais à concevoir des expériences où les deux coexistent. Ce sont des moments clés où l’utilisateur doit pouvoir se sentir en confiance, autonome et accompagné.
La partie sécurité joue un rôle important et je constate, grâce à différents retours utilisateurs, qu’il ne faut pas forcément la rendre invisible à tout prix mais la rendre lisible, compréhensible et utile. C’est dans cette transparence maîtrisée que se construit la confiance.
Alexa Cuellar, UX/UI designer et Product designer chez UX-Republic