FlowCon 19

La FlowCon est une conférence sur le développement de logiciel en flux qui mélange Kanban, Lean, Produit, UX, DDD, Continuous Delivery, DevOps ou encore Business Agility. Elle avait lieu à Montrouge (près de Paris) les 12 et 13 décembre derniers et j’y étais conviée pour parler d’UX design pragmatique. J’en profite pour vous parler de l’atelier  et des conférences qui m’ont marqués. 

#1 Keynote : Product Management for Continuous Delivery – Elizabeth Ayer

Lors de la keynote, Elizabeth Ayer a évoqué un certain nombre d’éléments clés du management produit numérique comme l’importance de l’expérimentation.
Au travers de l’anecdote du musée sur David Kirkaldy et de comment cet homme a diffusé la culture de l’expérimentation, notamment grâce aux tests menés sur des “échantillons” de trains pour éviter des désastres de grande ampleur, Elizabeth Ayer nous rappelle que les systèmes (signifiant principalement organisations ou entreprises) changent progressivement en observant le succès des autres. 
Certains commencent par les beaux discours, sans mener les actions, mais commencer par le bon discour est déjà un premier pas vers la bonne action.
Elle a également évoqué le sujet du “trou noir” post livraison d’un produit numérique en agile. Une fois que le produit est livré aux clients ou utilisateurs, l’équipe qui a travaillé ne s’y intéresse absolument plus.
Elizabeth met l’accent sur l’importance de ne pas tomber dans ce travers en créant une boucle pour récupérer les retours des utilisateurs (« users feedback”).
Lors de cette keynote nous avons aussi vu ou revu les outils suivants pour communiquer ou suivre les objectifs d’une organisation, entreprise, équipe, etc. :

  • 4DX 
  • KPIs
  • PuMP
  • BSQ
  • North Star framework

Elle s’est aussi exprimée sur le “continous delivery” ou livraison continue. L’oratrice nous a alerté sur le fait que la fluidité et rapidité de l’équipe de développement ramène le goulet d’étranglement côté équipe produit qui doit être plus réactive pour tenter de s’adapter au rythme.
Finalement, elle nous a donné des éléments clés pour l’autonomie des équipes
Selon elle, celle-ci repose sur :

  • la compétence technique,
  • un scope clairement défini. 

C’était une Keynote efficace pour couvrir un certain nombre de sujets clés sur le management d’un produit numérique. 

#2 Start up, scale up, screw up – Jurgen Appelo


Jurgen Appelo, notamment célèbre pour la théorisation du “management 3.0”, nous a partagé les réflexions retranscrites dans son dernier livre : START UP, SCALE UP, SCREW UP.
Il rappelle que concevoir et faire un produit n’est pas linéaire, c’est d’ailleurs pour lui plutôt un “vortex” dans lequel il faut passer par des activités de product management, design thinking, lean startup, UX design de façon un peu chaotique.

Il évoque par exemple les outils et techniques suivants à mettre dans son vortex d’entrepreneur, concepteur, product manager ou équipe :

  • North star
  • OKRs
  • Ethnographic research, GOOB (Go Out Of the Building du lean startup)
  • Job to be done
  • Value proposition canvas
  • Backlog
  • User journey ou experience map


Il souligne que c’est une erreur de voir la création et production d’un produit comme quelque chose qui doit être fait phase par phase, par contre ce processus de phase par phase s’applique ailleurs, il s’applique au cycle du vie du produit sur le marché. 
Voici les étapes qu’il définit :

  1. Initiation, début, l’idée de départ.
  2. S’assurer que la solution qu’on apporte répond bien à un problème (problem/solution fit).
  3. Trouver un fondateur, des investisseurs qui sont en adéquation avec la vision (vision/founder fit).
  4. S’assurer que des gens sont prêts à consommer notre produit (product/market fit).
  5. stabilisation
  6. accélération
  7. Crystallisation
  8. Expansion
  9. Conservation
  10. Fin

Cet article (en anglais) explique ceci de façon plus complète : https://shiftup.work/the-10-stages-of-the-business-lifecycle/ et vous pourrez voir les photos de sa maman qu’il a mis à chaque étape, étonnant parallèle, que j’ai néanmoins trouvé du plus grand effet. 
Définitivement l’une de mes présentations préférées de ces deux jours de conférence.

#3 Scaling up a tech department @ Younited Credit – Nicolas Nallet, Nicholas Suter

Younited credit est une société française spécialisée dans le crédit à la consommation. C’est la première plateforme en ligne de crédit aux particuliers en France qui dispose de l’agrément d’établissement de crédit délivré par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Ils connaissent une hyper croissance sur les trois dernières années avec plus de 40% d’augmentation du chiffre d’affaire. 
Ils comptaient 10 personnes en 2014 et 90 personnes en 2019.
En 2014 younited credit était présent uniquement en France, aujourd’hui leur produit est disponible dans cinq pays et l’entreprise est partenaire avec des acteurs importants comme free, N26, bpifrance.
Nicolas et Nicholas nous ont raconté leur aventure en tant que leads techniques face à cette hypercroissance. Ils ont choisi une analogie avec Star Wars pour nous proposer une théorie sur la gestion d’un vaisseau spatial (le département tech) qui cherche à atteindre des objectifs exigeants (8 semaines pour mettre en place tout ce qu’induit un nouveau partenariat avec free), tout en étant mis en danger par les aléas de la vie (les rendez-vous chez le dentiste de membres productifs de l’équipe par exemple). 
Leur théorie repose sur l’analyse suivante : l’organisation est un organisme vivant, en mutation permanente, on ne pourra donc pas rester sur la ligne droite tracée entre le vaisseau et l’objectif.
J’ai entendu à plusieurs reprises durant cette journée l’acronyme VUCA (Volatile, Uncertain, Complex and Ambiguous).
Le changement est un « invariant » qu’il est nécessaire d’intégrer à la culture.

Ce qu’ils appellent les  les “contre-mesures” sont ce qui permet à l’équipage de continuer à maîtriser la trajectoire du vaisseau et à s’assurer que celui-ci ne se retrouve pas sur la zone “game-over” (trop déviante par rapport à cette ligne droite vers l’objectif). Si, comme moi, le terme “contre-mesure” ne vous parle pas il semblerait que ça vienne du domaine militaire, sans doute aussi repris dans Star Wars !? Un article pour mieux comprendre.
Pour trouver ces contre-mesures, les collaborateurs ont un temps dédié à la réflexion et l’expérimentation. Tous les vendredi après-midi ils se réunissent et cherchent des solutions aux problèmes, Nicholas nous rappelle que les ingénieurs sont des personnes brillantes formées à résoudre des problèmes complexes, alors ils n’aiment pas appliquer bêtement des solutions. À garder en tête !
Une citation des jolis mots de ce cher Nicholas Suter : “C‘est beau la simplicité. Mais ce n’est pas forcément simple de trouver une solution simple ». 
Les contre-mesures ont un coût et ne doivent pas être mises en place trop tard. De plus, la contre-mesure est une mesure d’action volontaire qui nécessite une alerte. Ces alertes nécessitent de trouver le bon seuil, et ce n’est pas chose aisée. Il faut éviter les réponses trop drastiques mais une alerte trop fine ne fonctionne pas non plus, à peine l’alerte sonnée, il est déjà trop tard pour trouver une solution. 
Ce qu’il faut pour que l’équipage atteigne l’objectif à temps :
1- avoir l’équipage adapté,
2- distribuer le pouvoir de décision,
3- fluidifier la communication,
4- Remplacer le chef par un “servant leader”,
5- Trouver et exécuter des contre-mesures localement,
6- Laisse le droit à l’erreur (sans que l’erreur ne soit le but, avec honnêteté et transparence),
7- être transparents à tous les niveaux (chez younited credit le comité exécutif publie des comptes rendus de leurs réunions),
8- Introspecter, mettre en place des rétros régulières
Pour résumer

  • Un objectif difficile à atteindre, une organisation vivante imprévisible.
  • Mettre en place des contre-mesures déclenchées par des alertes avec le bon seuil.
  • Des collaborateurs qui ont du temps pour réfléchir au contre-mesures et des bonnes pratiques de management agile pour donner du cadre.

Merci Nicolas et Nicholas pour ce moment instructif et agréable !

#4 Coaching pro et agile une approche globale de transformation – Claude Camus, Basile du Plessis


La première chose qu’il me semble y avoir à comprendre est qu’il est important de « professionnaliser la profession » de coach agile. Un certain nombre de coachs agiles sont autodidactes, pour s’assurer qu’ils ont la bonne posture, les bonnes compétences, qualités, etc. Il y a un certain nombre d’éléments à respecter :

  • Protocole,
  • Maîtrise,
  • Amélioration,
  • Engagement.

Ce dont un coach doit s’assurer lorsqu’il arrive dans une nouvelle “mission” :

  • Ne pas improviser, Reproduire permet d’améliorer, les coachs qui improvisent peuvent plus difficilement améliorer leurs pratiques.
  • S’assurer d’être face aux bonnes personnes pour que leurs décisions soient appliquées.
  • Trouver le bon moment, la bonne temporalité, avancer progressivement et incrémentalement.
  • Le coach doit se sentir co-acteur du changement, il est responsabilisé.
  • La mise en place d’une organisation et de processus plus agiles n’est pas une fin en soi, il faut ensuite accompagner les individus.

La restructuration d’une organisation (entreprise, administration, association…) va engendrer des situations d’inconfort :

  • Des personnes qui ne sont pas habituées à se parler doivent travailler ensemble.
  • Des personnes vont se retrouver sur le devant de la scène sans avoir occupé un poste à responsabilité auparavant.

Il est important d’accompagner les collaborateurs :

  • Légitimer les bonnes personnes.
  • Leur expliquer quelles sont leurs missions et responsabilités.
  • Leur donner un cadre, des limites.
  • Juger sur le résultat plutôt que sur l’intention et le plan, pour pouvoir prendre des décisions du type “on continue” ou “on arrête”.

Quelques clés sur le coaching :

  • Le coaching est un art d’accompagnement, c’est comme un pianiste qui a besoin d’entretenir et travailler continuellement ses compétences.
  • On garde en tête le suivi des objectifs.

Voici une liste des choses à éviter pour que le coaching agile fonctionne :

  • Les RH ne sont pas impliqués voir pas avertis.
  • Les managers biaisent les objectifs.
  • Le coach soutient des actions en dehors du cadre de la transformation.
  • Le coach agile de l’équipe est coach pro du manager ou de l’équipier, c’est un conflit d’intérêt.
  • Accompagner un individu et son n+1 et utiliser ce que dit l’un pour le coaching de l’autre.
  • Le coach n’a pas de superviseur professionnel, reconnu et certifié (“on peut toucher des choses profondes en tant que coach,  le coach a aussi besoin d’être accompagné”).

Déontologie et limites » pour le coach :

  • Il doit être en formation continue.
  • Il doit être éthique.
  • Il s’assure de la sécurité des données.

Les UX designers confirmés, peuvent se retrouver dans des situations de coaching ou à faire des recommandations qui remettent en cause l’organisation. Je pense donc que cette présentation peut nous apporter des axes de réflexion et des bonnes pratiques à utiliser au quotidien.

#5 Liberating structures (atelier) – Gaël Mareau

J’ai assisté à l’atelier sur les liberating structures de Gaël Mareau. Nous étions une vingtaine de personnes dans la salle et nous avons enchaîné trois exercices :

  • 1-2-4 tous, 
  • TRIZ, 
  • Crowd sourcing.

Ce que je pense réutiliser :

  • La ressource, je vais consulter les autres “liberating structures” et voir celles qui m’intéressent.
  • Le format du 1-2-4 tous sur des grands groupes peut faciliter les échanges.
  • La bienveillance et le calme du facilitateur.

À noter :

  • Les exercices que nous avons effectués n’étaient pas très pertinents pour la prise de décision et la définition d’actions à prendre, ils étaient plus utiles pour ouvrir une discussion et formuler de nombreuses idées.
  • Le crowdsourcing montre comment détecter l’adhésion mais pas trouver la meilleure solution.

Les ateliers étant majoritairement des échanges oraux, il y avait spontanément des déséquilibres de prise de parole entre les personnes aux diverses personnalités.
J’en ressors donc avec de nouvelles choses à explorer, des idées et des expérimentations à mener pour voir à quelles étapes utiliser ces outils, comment les dépassionner et en tirer à chaque fois un plan d’action pour la suite.

 
Uxement vôtre,
Anne Pedro, UX-Designer @UXRepublic