Imaginez que vous devez couper un bon steak. Vous avez deux options : un couteau suisse avec une lame de 5 cm ou un vrai couteau de cuisine bien aiguisé. Lequel choisiriez-vous ? Sans hésitation, le second.
Le couteau suisse est polyvalent, mais il n’excelle dans aucune tâche. Son principal intérêt : la compacité et la polyvalence, au détriment de la performance.
Eh bien, c’est la même chose en design d’expérience : vouloir tout faire mène souvent à un produit confus, inefficace et frustrant pour l’utilisateur.
Dans cet article, nous allons voir pourquoi simplifier son design est essentiel pour améliorer l’expérience utilisateur, avec des exemples concrets d’échecs et de réussites.
Quand la complexité tue l’expérience utilisateur
Google Wave : L’outil qui voulait trop en faire

En 2009, Google lance Google Wave, un outil ambitieux censé révolutionner la communication en ligne. Son concept ? Fusionner e-mail, chat, wiki collaboratif et gestion de documents en un seul produit. Une idée visionnaire… Mais avec le recul, cela ressemble étrangement aux outils que nous utilisons aujourd’hui, comme Google Drive, l’environnement Google Workspace ou encore Microsoft Teams.
Mais alors, pourquoi Google Wave a-t-il échoué ?
Un outil trop en avance sur son temps ?
En 2009, ces concepts étaient encore trop nouveaux et mal compris par les utilisateurs. L’outil était intéressant, mais son interface complexe et son abondance de fonctionnalités le rendaient difficile à appréhender. Résultat : un apprentissage fastidieux qui a découragé de nombreux utilisateurs.
Un échec… mais pas une disparition totale.
Face à ces difficultés, Google met fin à Wave dès 2010. Cependant, plutôt que d’abandonner complètement le projet, l’entreprise en a tiré des enseignements. Plutôt que de vouloir tout regrouper dans un seul outil, elle a intégré certaines des fonctionnalités les plus utiles de Wave dans Google Docs, Gmail et d’autres services Google. Cette évolution progressive a donné naissance à l’environnement Google Workspace que nous connaissons aujourd’hui, bien plus fluide et accessible.
En fin de compte, Google Wave était une idée brillante, mais trop ambitieuse et mal exécutée. Il a néanmoins laissé un héritage important dans les outils de collaboration modernes.
Instagram : De la complexité à la simplicité
Instagram, à ses débuts, n’était pas aussi épuré qu’il l’est aujourd’hui. L’application était initialement connue sous le nom de Burbn, et elle était beaucoup plus complexe, avec une multitude de fonctionnalités inspirées par des éléments de géolocalisation, de partage de photos, de check-in et d’autres options sociales, comme la possibilité de partager des statuts et d’interagir avec d’autres utilisateurs.
Le problème ? L’interface était confuse et les utilisateurs se sentaient perdus face à un trop grand nombre d’options. L’équipe de Burbn a rapidement réalisé que la simplicité était la clé pour capter un large public.
Instagram a donc compris qu’un design plus simple et centré sur l’essentiel → le partage de photos était la clé du succès.
En abandonnant les fonctionnalités superflues et en simplifiant son interface, l’application a connu un véritable engouement. Aujourd’hui, Instagram continue d’ajouter des fonctionnalités comme Stories et Reels, mais toujours dans une cohérence qui favorise le partage de contenu visuel dans une interface fluide et compréhensible, s’adaptant progressivement aux nouveaux usages sans sacrifier sa simplicité.
L’effet couteau suisse des super-apps : Une force en Chine, une faiblesse en Occident
En Chine, les super-apps comme WeChat, Alipay ou Meituan dominent le marché. Ces applications tout-en-un regroupent messagerie, paiements, e-commerce et services divers en une seule plateforme.
Ce modèle est un succès grâce à plusieurs facteurs : une adoption massive du mobile avant le desktop, un écosystème numérique fermé, des régulations favorisant ces monopoles et une culture d’usage différente.
Habitudes des consommateurs : en Occident, on préfère plusieurs apps spécialisées plutôt qu’une seule app tout-en-un.
En revanche, en Occident, ce modèle peine à s’imposer. Les utilisateurs préfèrent des applications spécialisées, la confidentialité des données est une priorité, et la régulation antitrust limite la concentration des services en une seule plateforme.
Plusieurs entreprises occidentales ont essayé d’imiter le modèle des super apps chinoises :
Meta (Facebook et WhatsApp)
Facebook Messenger et WhatsApp ont tenté d’ajouter des fonctionnalités comme le paiement, le commerce en ligne et même des mini-applications.
WhatsApp Pay a été lancé en Inde et au Brésil, mais n’a pas connu un énorme succès.
X (ex-Twitter)
Depuis son rachat de Twitter, Elon Musk veut en faire une super app type WeChat, avec messagerie, paiements, commerce et services divers.
X a lancé des fonctionnalités de paiement, mais c’est encore loin d’être une vraie super app.
Comment simplifier son design efficacement ?
- Prioriser les fonctionnalités essentielles : utilisez la loi de Pareto (80 % des utilisateurs utilisent 20 % des fonctionnalités).
- Limiter les choix pour réduire la charge cognitive : appliquez la loi de Hick, qui stipule que plus un utilisateur a d’options, plus il met de temps à prendre une décision. Un design épuré facilite la navigation et accélère l’interaction.
- Éviter l’effet “couteau suisse” : ne surchargez pas votre produit avec des options inutiles.
- Tester et itérer : observez les utilisateurs et simplifiez ce qui les bloque.
- Utiliser des patterns connus : inutile de réinventer la roue si un modèle fonctionne déjà.
Conclusion
Un bon design UX ne cherche pas à tout faire. Il vise l’efficacité, la clarté et la simplicité.
C’est le fameux ✨ Less is more ✨.
Plutôt qu’un couteau suisse, concevez un produit qui excelle dans une tâche spécifique. C’est ainsi que vous offrirez une expérience fluide et agréable à vos utilisateurs.
Qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà été frustré par un produit trop complexe ?
Anaëlle Staelen, UX/UI designer et Product designer chez UX-Republic