Dark Patterns : Pourquoi sont-ils efficaces ? #1

Dark patterns : AppâterLes Dark patterns sont des modèles de conception qui prennent racine dans les habitudes des utilisateurs pour les détourner de leurs usages premiers.
Le but originel de la conception centrée utilisateur était de servir la satisfaction des utilisateurs, mais une fois détourné et perverti ces principes de conception sont utilisés pour inciter l’utilisateur à faire une action qu’il n’aurait pas fait naturellement.
On parle alors de principe de manipulation ou d’influence.
De nombreux chercheurs en psychologie sociale ont mis en évidence une multitude de principes de manipulation.
Le best-seller “Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens” écrit par Joule et Beauvois ainsi qu’“Influence et manipulation” de Cialdini sont des exemples d’ouvrages que l’on peut trouver sur le sujet.
On y apprend pourquoi et comment nous réagissons par réflexe à certains mécanismes psychologiques.
Par exemple, le piège abscons, qui peut nous arriver tous les jours sans même que nous nous en apercevions si nous n’en prenons pas conscience. Cet effet intervient du moment où nous décidons de nous engager dans un processus de dépense d’argent, de temps ou d’énergie, pour atteindre un but précis. Mais l’atteinte de ce but n’est pas certaine. Il nous arrive donc souvent de penser que chaque dépense effectuée nous rapproche davantage du but. Cet effet peut durer longtemps jusqu’à l’épuisement de l’argent, du temps, de l’énergie et même au-delà si nous ne décidons pas activement de l’interrompre ou si nous ne fixons pas de limite dès le départ.
L’exemple le plus cité est celui de la personne qui s’entête à attendre l’autobus au-delà même du temps qu’il lui aurait fallu pour faire le trajet en marchant, alors que si elle s’était fixée un laps de temps défini (5mn), cette personne serait sortie plus facilement de son entêtement.
Un autre exemple de manipulation décrit par Joule et Beauvois appelé “La porte au nez”, consiste à demander une chose impossible à quelqu’un d’autre dans le but qu’il refuse pour ensuite lui demander une chose plus réaliste afin qu’il l’accepte. L’exemple cité est ici le cas d’une personne à qui on demande de passer deux heures par semaine pour les 2 prochaines années avec des délinquants pour ensuite lui demander de passer seulement d’accompagner un groupe pendant 2 heures au zoo. Les demandes sont inégales et la personne ne voulant pas refuser deux fois de suite pour ne pas se froisser avec la personne acceptera plus facilement la deuxième proposition qui lui paraît beaucoup moins coûteuse.
Nous voyons ainsi qu’il existe plusieurs techniques pour manipuler des individus, mais qu’en est-il concernant l’utilisation des interfaces ? Là encore des chercheurs ont travaillé sur des sujets tels que l’engagement et l’influence des utilisateurs vis-à-vis de leur utilisation des interfaces IHM. Parmi eux, nous pouvons citer Susan M. Weinschenk qui a écrit plusieurs livres sur le sujet dont “Neuro web design – What make them click” et “How to get people to do stuff”, Steve Krug, auteur de “Don’t make me think” et enfin B. J. Fogg, auteur de “persuasive technology” y décrit un modèle comportemental détaillé sur son site behaviormodel.org.
Pour autant, si ces personnes n’ont jamais fait que décrire les processus comportementaux et psychologiques qui expliquent pourquoi les utilisateurs agissent parfois à l’encontre de leurs intérêts, ce sont plus souvent d’autres personnes sans scrupule et attirées par l’argent qui détournent ces recherches concernant nos habitudes, nos peurs et nos réflexes afin d’en faire des dark patterns.
Dans la deuxième partie, nous verrons plus en détail chaque dark pattern.
Yannick Bonnieux
UX-Evangelist @ UX-Republic