La sobriété numérique est une démarche visant à réduire l’empreinte carbone du numérique, en adoptant un usage raisonné et en mettant en place des solutions plus sobres en terme d’énergie.
Ce concept, apparu il y a une dizaine d’années, a pris de l’ampleur ces dernières années face à la mise en lumière de l’impact écologique du numérique. En effet, le numérique représente aujourd’hui 4% des gaz à effets de serre et son empreinte écologique représente près de deux fois celle de la France.
Les terminaux comme les ordinateurs, télévisions ou encore smartphones sont responsables à 45% de cette empreinte, et les 55% restants proviennent de l’utilisation (Source : Lean ICT, The Shift Project 2018).
Plusieurs acteurs militent pour que le digital soit responsable, durable et de confiance, et plus de 150 grandes entreprises et administration publiques ont déjà rejoint le mouvement en s’inscrivant au Cigref, une association regroupant des grandes entreprises et administrations publiques françaises autour du numérique.
C’est d’ailleurs suite à un des colloques organisés par Cigref que j’ai éprouvé l’envie de vous présenter un des fruits de leurs labeurs: le référentiel de la sobriété numérique. Je terminerai ensuite par quelques points clés abordés lors de cette conférence.
#1 Quelles actions s’inscrivent concrètement dans la démarche de sobriété numérique ?
Pour nous guider dans cette démarche, Cigref et Syntec Numérique – un syndicat professionnel français de l’industrie du numérique – ont écrit en collaboration un référentiel de la sobriété numérique. De leurs propres mots ce référentiel est un “cadre de référence pratique commun aux entreprises et à leurs partenaires, crée dans le but d’outiller et de sensibiliser les équipes et les managers aux enjeux éthiques du numérique”.
Voici ce référentiel résumé en 8 axes clés :
- Stratégie et pilotage
- Définir et mettre en place un plan de transformation “Sobriété Numérique” pour l’ensemble de l’entreprise.
- Obtenir le sponsorship des dirigeants est un prérequis essentiel pour déclencher une démarche de la sobriété numérique.
- Accompagnement des personnes et des métiers
- Accompagner les usages : faire rentrer la sobriété numérique dans la culture numérique des organisations et en définir une politique RH cohérente avec cet objectif.
- Sensibiliser et former : développer la prise de conscience et le niveau de connaissance et se former via des organismes spécialisés.
- Achats responsables et cycles de vie
- Définir une politique interne d’achats responsables qui intègre l’ensemble du cycle de vie.
- Projets
- Traduire le plan de “sobriété numérique” dans le plan stratégique SI : tout nouveau projet se doit d’intégrer une dimension “sobriété numérique”.
- Services numériques
- Prendre en compte la sobriété des services numériques internes à l’entreprise et notamment de l’environnement de travail des collaborateur·trice·s.
- Écosystèmes
- Evaluer, influencer et agir sur ses parties prenantes. Par exemple lors d’un appel d’offre prendre cela en considération ou développer avec ses collaborateur·trice·s actuel·le·s des solutions.
- Données
- Manager, évaluer et améliorer la consommation énergétique de l’usage et des flux de données dans l’entreprise.
- Infrastructure
- Moderniser les infrastructures techniques, veiller à l’optimisation et à la sobriété énergétique des datas-centers, des serveurs, du stockage, des clouds IaaS (Infrastructure as a Service), PaaS (Platform as a Service), du transport des données et du réseau.
- Moderniser les infrastructures et architectures : prendre en compte leur impact environnemental, gérer le cycle de vie des équipements.
Pour aller plus loin, le Cigref a créé en partenariat avec The shift project – un think tank français prônant le passage à une économie post-carbone – un rapport sur la sobriété numérique. Celui-ci a pour objectif de donner les clés pour organiser une démarche de sobriété numérique dans les grandes organisations, et notamment via leurs DSI.
Vous pouvez découvrir ici la méthodologie.
#2 Points abordés lors du colloque de Cigref
Dans le cadre de l’initiative Planet Tech’Care, le Cigref a organisé un colloque à la fin du mois de novembre 2020 pour présenter son référentiel et surtout afin que les différentes entreprises puissent faire un retour d’expérience de l’application de ces méthodologies.
Parmi ces entreprises nous retrouvons dans l’ordre d’apparition: L’Oréal; Ministères Ecologie, Territoires et Mer; The Shift Project, La Poste, Air-France KLM, AXA Group Opérations, l’Institut Numérique Responsable, Octo Technology et Alliance Green IT.
Outre les points abordés précédemment dans le référentiel, ces thématiques se sont dégagées de leur partage d’expérience :
- Pour réussir à avoir un usage raisonné, il est primordial que la question du design de produit soit systématique.
Penser le produit dès le départ avec les utilisateurs, choisir les fonctionnalités que l’on développe ou non. Ce design de bout en bout avec ces questions d’éco-conception et d’accessibilité est essentielle aujourd’hui. On n’y arrivera pas sans ces compétences.
- La responsabilité et l’engagement des entreprises est capitale.
“Pas de transition écologique sans le numérique, nous devons accompagner la société dans ce mouvement.”
“Le sens que l’on donne à ce que l’on fait, ce sens est incarné dans le business, y compris dans ses services offerts aux clients.” - Cette démarche s’inscrit également dans un cadre social et éthique.
- Il est important de fédérer et de sensibiliser autour de ce sujet au sein de l’entreprise, et cela passe parfois par des formations.
- Cette aventure est impossible sans le partage & la collaboration.
“Il est d’une importance capitale de partager nos retours d’expérience pour avancer ensemble, proposer des communs, de l’open source, au vu de l’urgence climatique.”
- Le plus difficile aujourd’hui et le meilleur levier d’action est de mesurer l’impact direct comme les effets rebonds.
“Mesurer, mesurer, mesurer, si nous ne mesurons pas, nous ne sommes pas crédibles.”
Ce dernier point a été au coeur du débat sur la conversation associée au live stream, tellement capital qu’il sera le sujet du groupe de travail pour l’année 2021. Les autres ambitions futures sont de développer une vraie filière “green IT” en France, dans le monde professionnel comme à l’école Republic.
À retenir
Il est possible et important aujourd’hui d’inscrire ses projets digitaux dans le cadre d’une démarche environnementale mais aussi sociale et éthique. Pour faciliter cela, il est conseillé de s’appuyer sur la communauté existante pour profiter de leur expérience, puis de partager la sienne.
Au delà de l’aspect primordial de l’impact positif sur l’environnement, l’entreprise gagne en valeur aux yeux des clients et des futur·e·s collaborateur·rice·s.
Enfin, il faut viser à se tenir à ce qui a réellement de la valeur, à ce dont on a réellement besoin. Cela passe par le design de produit qui, si bien réalisé, permet de développer seulement les fonctionnalités nécessaires.
Passez à l’action !
De manière plus concrète, voici quelques pistes d’actions et de réflexions selon votre statut :
- En tant qu’entreprise : je me renseigne sur les travaux de Cigref et Syntech, je signe le manifeste de Planet Tech’Care , je me renseigne si j’ai des motivé·e·s au sein de mes membres pour créer une équipe portant ce sujet.
- Je m’interroge : “Comment sensibiliser mes employé·e·s?”
- En tant que développeur·se ou DSI : j’optimise mon code, l’archivage ainsi que la purge des données. J’allonge la durée de vie du code, je le réduis.
- Je m’interroge : “dans quelle mesure la numérisation de ce process peut dégager un gain environnemental ?” “Quel est l’impact environnemental de ce framework ou infrastructure contre celle-ci ?”
- En tant qu’individu : je limite l’envoi des pièces jointes avec des fichiers de collaboration, je nettoie régulièrement mon cloud et mes mails, je garde le plus longtemps possible mes équipements.
- Je m’interroge: “est-ce que cette application à un impact positif ou négatif sur mon comportement, mes émotions ?”, “ai-je besoin de changer mon appareil ou puis-je le réparer ? Au lieu de le jeter, est-il possible de le donner à une association ?”
- En tant que designer : je remets en cause certaines pratiques communément acceptées (l’autoplay sur les vidéos, rendre addictifs certains produits et ne pas donner de fin à la lecture…), j’améliore ma recherche utilisateur, je m’éduque au delà du design (psychologie, sociologie, anthropologie…)
- Je m’interroge “Le temps passé sur la page et le nombre de visites devraient-ils être mes principales mesures de succès ?” “Comment mon produit sera ressenti par une personne souffrant de dépression?” “Mon produit encourage-t-il des comportements de dépendance ?”
Vous vous demandez quel est l’impact de votre site, ou celui des autres? Vous pouvez le tester ici :
Liens et ressources
Les principaux acteurs de la sobriété numérique :
En savoir plus sur la pollution numérique et les actions possibles :
- Greenpeace parle de la pollution numérique
- Ademe vous propose un guide pratique sur la face cachée du numérique, et des conseils pour réduire votre impact
- Un service de messagerie vous aide à moins polluer avec vos mails
- Francetvinfo vous parle de la journée mondiale de l’email
Pour le côté technique :
- Un article de thoughtbot pour créer un site plus écologique
- CSS Tricks va plus loin dans les détails techniques
- Et enfin l’incontournable guide de performance Front-End par Smashing Magazine
Et enfin vous les designers et vous curieux, à l’aise avec la langue de Shakespeare ou le déchiffrage des traducteurs en ligne, je vous conseille vivement de lire cet article sur le “régime technologique”
À demain pour de nouvelles surprises dans notre calendrier de l’Avent UX-Republic !
Orianne DODINOT, UI-UX Designer @UX-Republic
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