TOUT EN CONTREPARTIE

« Une culture qui conduit à l’innovation n’est pas seulement bonne pour les profits de l’entreprise. C’est aussi quelque chose qui est valorisé à la fois par les dirigeants et employés d’une entreprise. En dépit de l’attrait pour ces cultures et des leaders qui clament comprendre ce qu’elles engagent, elles sont difficiles à créer et à maintenir.
Comment des pratiques aussi globalement appréciées, voire divertissantes, peuvent-elles être aussi délicates à mettre en place ? »

Voici l’introduction de l’article « la dure vérité au sujet de l’innovation » parue dans la Harvard Business Review au début de l’été.
Je vous propose de faire un parallèle entre les enseignements de cet article et les méthodologies “UX agiles” nourries de mes propres expériences sur le terrain ainsi que celles de mes confrères.
Je vous propose ainsi une série de billets de blog débutant par celui-ci
 
 

Plus de contexte

L’étude présentée dans la Harvard Business Review a été menée auprès d’une centaine de dirigeants. Ceux-ci ont été invités à définir les principes caractéristiques des organisations innovantes.
Voici les éléments les plus couramment cités :

  • Tolérance de l’échec,
  • Sécurité psychologique,
  • Collaboration,
  • Management horizontal.

Les porteurs des méthodologies UX et plus particulièrement les plus « agiles », telles que le Lean UX ou l’Open design, sont familiers avec ces principes et, assez souvent et tristement, avec la difficulté de les faire accepter. 
L’auteur explique cette déconvenue par le revers de la médaille de chacun des principes identifiés.
Cette série d’articles traitera des sujets suivants :

  • Tolérance de l’échec face au refus de l’incompétence.
  • Sécurité psychologique face à la franchise brutale.
  • Collaboration face aux responsabilités individuelles.
  • Management horizontal face au leadership fort.
  • Sujet d’ouverture : la difficulté à accepter le changement.

 

#1 Tolérer l’échec // ne pas accepter l’incompétence

 

 

L’interprétation de Jeff & Josh

Le droit à l’échec est un principe très présent en lean UX, voici de courts extraits du livre de référence par Jeff Gothelf et Josh Seiden :
 
Extrait 1  ” Afin de trouver la meilleure solution à des problèmes business, les équipes lean UX ont besoin d’expérimenter de nouvelles idées. La plupart de ces idées échoueront. L’équipe doit être autorisée à échouer si elle veut réussir. 
Le droit à l’échec signifie que l’équipe évolue dans un environnement sécurisant pour expérimenter. Cette philosophie s’applique aussi bien à l’environnement technique (les membres de l’équipe peuvent faire sortir des idées de façon sécurisée), qu’à l’environnement culturel (les membres de l’équipe ne seront pas pénalisés si les idées ne rencontrent pas de succès). 
Le droit à l’échec nourrit une culture d’expérimentation. L’expérimentation nourrit la créativité. La créativité, à son tour, mène à des solutions innovantes. “
 
Extrait 2  ” Dans une vidéo dénommée “pourquoi tu dois échouer” , le fondateur de CD Babu, Derek Sivers, décrit les résultats surprenants d’une classe de poterie. 
Le premier jour, l’instructeur annonce à sa classe que les étudiants seront divisés en deux groupes. La moitié des étudiants devront faire uniquement un pot durant le semestre. Leur note dépendra de la perfection de cet unique pot. 
L’autre moitié sera uniquement notée sur le poids des pots qu’elle fera durant le trimestre. Si les élèves de ce groupe font 23 kg de pot ou plus il auront un A.
À la fin du semestre, une chose intéressante s’est produite. Des observateurs extérieurs ont notés que les pots de plus grande qualité ont été fait par le « groupe quantité ». Ils avaient passé le semestre entier à travailler le plus rapidement possible pour faire des pots. Parfois ils y arrivaient, parfois ils échouaient. Avec chaque itération, chaque expérimentation, ils ont eu des apprentissages.
Contrairement, le groupe qui n’a fait qu’un objet n’a pas bénéficié de ses itérations échouées et n’ont pas appris suffisamment vite pour être au même niveau de qualité que le « groupe quantité ». Ils ont passé le semestre à théoriser sur ce que ferait un pot qui mérite un A mais n’ont pas eu l’expérience qui leur aurait permis d’exécuter cette vision grandiose. “
 

Qu’en pensent la HBR, mes confrères et moi-même ?

Dans l’article de la Harvard Business Review, l’auteur insiste sur la sélectivité des entreprises innovantes (apple, google…). Le droit à l’échec devrait-il être uniquement autorisé pour des individus triés sur le volet ?
Cette affirmation peut-être remise en cause par l’expérience des pots en argiles. Celle-ci ne discrimine pas meilleurs élèves et élèves à difficulté, l’effet d’expérience bénéficie pourtant à tous les membres du “groupe quantité”. 
Mon interprétation, et celle de la majorité des UX designers ayant déjà répondu à mon questionnaire sur l’UX design pragmatique (à faire ici), est que le droit à l’erreur est important, mais doit être cadré.
 

Le droit à l’erreur est important

Toute expérience, même bien réfléchie, peut mener à la conclusion qu’il faut explorer d’autres hypothèses. 
Parallèlement, lorsqu’on se donne le droit d’explorer une hypothèse sans en avoir analysé de nombreuses en amont, on peut se tromper, mais on avance aussi plus rapidement sur des choses plus concrètes. 
On peut notamment faire un prototype rapide, qui laissera moins de place aux interprétations individuels et permettra de recueillir des avis plus précis. 
 

Mais doit être cadré

Le cadre nécessaire au bon usage du droit à l’erreur peut notamment être créé par le biais des éléments suivants :

  • Des ateliers collectifs regroupant des profils complémentaires (PM,PO, UX, dev, utilisateurs…) pour choisir les expérimentations à mettre en place et les prioriser ;
  • Un suivi d’indicateurs clés pour évaluer les succès et les échecs et ne pas reproduire plusieurs fois les mêmes erreurs ;
  • Des revues et rétrospectives pour accompagner l’équipe dans son amélioration continue.

En conclusion, le droit à l’échec oui, mais avec rigueur !

 
Anne Pedro, UX-Designer @UXRepublic