Futuristic UI : Le futur est pour aujourd'hui

Que nous en soyons conscients ou non, les Fictional User Interfaces (FUI) font partie de notre quotidien. Nourrissant l’imaginaire populaire, nous voyons ces interfaces au cinéma, dans les jeux vidéo tout comme dans la littérature de Science-Fiction. Elles ont parfois même, transformé le visage technologique de notre société.
En effet, la Science-Fiction porte bien son nom car elle s’est toujours substantée d’innovation : les designers s’inspirent des progrès scientifiques pour imaginer notre futur et dans l’autre sens, la science puise dans l’imagination des designers pour innover. Cette mécanique vertueuse a permis la création de technologies prédites bien des années auparavant.

“On peut définir la Science-Fiction comme la branche qui se soucie des réponses de l’être humain aux progrès de la science et de la technologie.”
Isaac Asimov

De ce fait, il existe une rétrospective (bien entendu ici, non exhaustive) d’oeuvres cinématographiques ayant anticipé notre futur. Notre liste s’arrête avec Minority Report (2002) alors que nous pourrions en citer bien d’autres, car c’est le film qui a le plus marqué les esprits en terme d’interactions entre l’homme et la machine. Non seulement l’écran à commande gestuelle utilisé par Tom Cruise est éblouissant, mais il anticipe assez justement les interfaces technologiques d’aujourd’hui. Les notions de réalité virtuelle immersive, de commande gestuelle ainsi que l’utilisation d’objets connectés pour interagir sont de plus en plus présentes dans le monde qui nous entoure. Pourtant aussi belle et anticipative soit-elle, cette oeuvre n’est du tout ergonomique : car personne ne pourrait travailler longuement la main au dessus du coeur … le sang ne circulerait plus.

QUEL(s) RAPPORT(s) ENTRE UX ET FUI ?

La plupart des FUI sont des vendeuses de rêve : elles sont souvent inadaptées pour l’utilisation réelle.
Le contexte, l’utilisabilité et les contraintes physiques ne sont que des facteurs rarement pris en compte au profit de l’esthétisme et du rendu à la caméra, 
Minority Report (2002) en était le parfait exemple. 
Allons encore un petit peu plus loin, en se penchant à présent sur le casque d’Iron Man (2008). Ce dernier affiche les informations de son HUD sur le côté du visage. Robert Downey Junior ne peut donc pas les lire, mais le visage de l’acteur étant plus important, les FUI sont accessoires. Il en est de même dans Avatar (2009) avec des interfaces graphiques à couper le souffle, mais avec une telle superstition d’informations, de couleurs et de transparences qu’elles seraient illisibles en réalité. Même constat dans Oblivion (2013), où l’une des actrices utilise une table tactile en verre … dans une pièce baignée de lumière. Autant dire que les reflets crées sur sur cette interface la rendraient impraticable en contexte réel. 
minority report

ENTRE FAIRE BEAU ET DONNER DU SENS

Passé le stade de l’illusion, certaines interfaces se voient accordées une véritable attention dans leur conception. Appuyant un propos, servant un scénario, elles sont adaptées aux besoins de l’utilisateur fictif. Il ne s’agit plus de seulement faire beau, il s’agit de donner du sens à l’interface. Cet démarche implique forcément de prendre en compte l’expérience utilisateur.
Direction la série Black Mirror (2011), où chaque interface a été pensée minutieusement puis réduite à sa fonctionnalité la plus essentielle. L’affordance y est importante mais la simplicité reste le maître mot du design de la plupart des épisodes. Le spectateur doit comprendre au premier coup d’oeil comment fonctionne la technologie qui lui est présentée. Il doit pouvoir s’identifier au personnage sans difficultés et ne pas être noyé dans des fioritures incompréhensibles. Cette démarche rend effectivement les interfaces plausibles et pertinentes. Tellement, au point que la fiction dépasse la réalité dans l’épisode « Nosedive » (saison 3, 2016). Dans ce scénario, chaque individu est noté par son prochain et cette note régit son quotidien, ses accès, ses privilèges. Et il se trouve que le gouvernement chinois compte appliquer d’ici 2020 un système de notation par solvabilité à ses citoyens.
black mirror fui
Faisons maintenant un focus sur le film Her (2014), soit sans doute ici l’anticipation la plus plausible du cinéma. Si l’on ne s’arrête pas à la relation amoureuse entre l’IA et le héros, on découvre une interaction homme-machine riche et complexe. Il ne s’agit plus seulement d’interface visuelle mais d’interaction multi-modale. En utilisant à la fois une oreillette, un micro, un téléphone pour filmer et un ordinateur pour configurer, les designers ont fait le choix de se rapprocher des interactions naturelles de l’être humain. De rendre cette relation plus fluide, plus simple mais aussi plus invisible. L’interface est paradoxalement moins présente visuellement et plus présente dans le quotidien du personnage. Et lorsqu’une interface est visuellement représentée, le design émotionnel est très largement utilisé (avec loader se transformant en coeur, des messages calligraphiques, un jeu vidéo enfantin,…). Ces choix servent bien entendu le propos du film mais à y regarder de plus près ils reflètent aussi des tendances actuelles et futures.
Puisque le design et les technologies avancent à une vitesse folle, il n’est pas très aisé de deviner avec exactitude ce que l’avenir nous réserve. Malgré tout, certains principes semblent prendre de plus en plus d’importance. Il apparaît clairement que les d’interfaces tendent à se rapprocher de l’humain, de son fonctionnement et de ses habitudes. Nous n’interagissons plus avec la machine, un écran et une souris.
Actuellement, nous pouvons utiliser une interface en répétant quelques gestes de la main ou des doigts (Kinect, Projet Soli de Google, Leap Motion). Nous pouvons également le faire par la voix ou même l’esprit (Siri, Assistant Amazon, implants cérébraux). Nos propres corps deviennent l’interface avec le transhumanisme, les puces RFID tandis que les technologies biologiques arrivent à grand pas dans nos vies.
the edge fui
Quant à l’environnement, il devient lui également intelligent. À Amsterdam, The Edge, le bâtiment le plus interactif du monde est né. Il sait à quelle heure vous arrivez, comment vous aimez votre café, apprend vos habitudes et s’adapte à vos besoins. Tout cela sans que l’utilisateur ne le remarque. Le virtuel aussi évolue à grande vitesse, il tend à se rapprocher de la réalité et des sens humains. Les technologies haptiques et holographiques vont devenir une norme dans ce domaine. (Hydrogen One, BMW HoloActive Touch).
Si les interfaces se rapprochent de l’humain dans son ensemble, on ne peut mettre de côté ses sentiments et c’est pourquoi à mon sens les principe de design émotionnel et de simplicité seront primordiaux. Dans un monde où la technologie est très présente (parfois trop) le rapport aux émotions devient essentiel. Il en va de même avec un autre principe : plus les innovations seront complexes, plus l’utilisateur aura besoin de messages simples et directs. Il faudra l’amener à une action directe, en vente à l’essentiel et lui simplifier les choix.

QUELLE PLACE POUR LE DESIGNER D’INTERFACE DANS CETTE TRAJECTOIRE À GRANDE VITESSE ?

Face à des interfaces qui tendent à s’effacer et à des technologies qui ne font plus appel à la vue, le designer d’interface a t-il encore sa place ? Je pense que oui. Il faut relativiser la notion d’effacement des interfaces, 80% des informations que nous retenons sont encore visuelles. La vue reste le sens le plus important quand il s’agit de communiquer. Il ne faut pas non plus oublier que l’Homme est un être formé de contradictions. Nous sommes attachés à nos habitudes (il suffit de donner un trackpad à un utilisateur de souris et vice versa pour qu’il le réalise), nous nous méfions toujours de qui est nouveau et pourtant, nous adorons découvrir de nouvelles choses et faire de nouvelles expériences.

TAKE AWAY

De la fiction au réel :
Voir encore plus loin, c’est voir encore plus proche.
Une réduction des interactions visuelles avec l’utilisateur, pour une interaction émotionnelle accentuée : cela traduit à terme une nouvelle recherche de simplicité (Keep It Simple, Stupid!). Il reste encore à s’interroger sur les solutions liées à l’inertie humaine et tout autre élément en lien avec l’éthique.

Je n’ai pas peur des ordinateurs.
J’ai peur qu’ils viennent à nous manquer.
Isaac Asimov

Un grand challenge pour le design d’interface : réussir à s’adapter à des innovations qui changent vite et se renouveler. L’ensemble des problématiques annoncent un avenir passionnant, car nous n’avons pas encore toutes les réponses. 
UX-Republic