UX et Data-driven : Concevoir des tableaux de bords centrés utilisateurs

Bilans financiers, gestion des stocks, des effectifs, des horaires, des commandes, des livraisons, des visites, des tâches, des clients, des objectifs, etc…, le data-driven s’impose dans beaucoup de domaines. On perçoit les avantages qu’il apporte pour la prise de décisions ancrée dans les caractéristiques réelles d’un environnement (avec ses effets pervers aussi, mais c’est une autre histoire)…

« You can’t manage what you don’t measure » –W.Edwards Deming

L’ explosion de la masse des données disponibles ne fait qu’augmenter la demande en matière de tableaux de bord et de datavisualisation. Mais la gestion et l’utilisation de cette masse deviennent éminemment complexes. Parallèlement, l’intelligence artificielle atteint peu à peu un stade suffisamment opérationnel pour fouiller, analyser et ordonner de grands ensembles de données… et même apprendre de ces analyses.

Smart City : big data and data driven

Cette nouvelle donne peut-elle inspirer de nouvelles interfaces ? Comment concevoir des tableaux de bords adaptés ?

Comme dans toute démarche centrée utilisateur, concevoir un tableau de bord adapté et efficient demande une connaissance approfondie de ses utilisateurs et de leurs besoins. Mes expériences dans la digitalisation des process dans plusieurs secteurs montrent que si les besoins sont très variables, ils s’appuient toujours sur quelques constantes :

LE BESOIN DE CONTRÔLE – SELECTIONNER ET HIERARCHISER L’INFORMATION

  • Parce que rien n’est plus anxiogène que de se trouver face à une situation incompréhensible et/ou incontrôlable, nous avons besoin de comprendre l’état des lieux.
    Nous avons besoin de planifier des actions et les décisions adaptées au moins dans un futur immédiat. Il nous faut donc des informations et des indicateurs convenablement sélectionnés, clairs et suffisants. Mais leur masse croissante pose la question de leur analyse.
  • Rendre une masse de donnée intelligible et actionnable (pré-requis à une démarche Data-driven) nécessite un travail collectif réunissant designer UX, des équipes métier et des experts des process dans la partie amont des projets.
    Tout au long de cette phase, en complément des interviews et des entretiens, ateliers de tri de carte, Experience maps, personas et jeux en situation peuvent être très utiles.
    Mais attention ! ces experts ne sont pas obligatoirement les utilisateurs finaux.
    Il faut certes comprendre les process et leur enjeux, les données disponibles et celles qui sont stratégiques, mais aussi sélectionner les données qui apportent le juste niveau d’info (ni trop, ni trop peu) à l’utilisateur final. C’est à lui que s’adressera « le test utilisateur » in fine.

UX designer - équipes métiers - Business analyst...
 

DE LA DATA A LA DATAVISUALISATION – REPRESENTER L’INFORMATION

  • La qualité d’une interface doit offrir une expérience positive et fiable à l’utilisateur.
    Certes, le tableau Excel est encore en usage, mais son austérité et l’accumulation de données sans la médiation d’une représentation graphique adaptée demande un certain niveau d’expertise pour en tirer les informations pertinentes. D’autre part, il n’est pas très séduisant pour les utilisateurs. La surcharge mentale guette.
  • Il est indispensable de mettre en place une solution de datavisualisation qui rendra l’information tangible et sensible.
    Le choix du mode de représentation parmi un très large éventail possible est primordial. La prise en compte de critères ergonomiques comme signifiance, guidage, feedback, l’utilisation de Data Storytelling… une structure de page claire et légère, permettent d’obtenir une interface efficiente.
  • Attention à ne pas saturer la mémoire à court terme qui n’est efficace que quelques dizaines de secondes tout au plus (voir le goldfish effect) et pour un nombre d’éléments limité (5 à 9 selon Miller, parfois moins) ! Des informations sous une forme visuelle que l’on peut acquérir quasi instantanément, le tout sur un seul écran laisse un maximum de ressources mentales disponibles pour l’analyse et la réflexion.
« Less is more » – Mies Van Der Rohe

less is more & Data-driven - Emanuele Borchi

Bien sûr, même si l’esthétique n’est pas le but premier du tableau de bord, une structure et des couleurs adaptées respectant généralement les principaux codes implicites (rouge = alerte par exemple – attention cependant à l’accessibilité !), des couleurs personnalisées ou brandées, bref du « style appeal », suscitent l’attachement bien mieux qu’un « simple » tableau cartésien. Dans certains cas, l’intervention d’un UI designer aux côtés de l’UX designer est souhaitable.

« Beauty and brains, pleasure and usability – they should go hand in hand » Don Norman

Tip : Proposer le test des 5 secondes.
Il offre deux avantages :
– Evaluer l’efficience de votre interface en mobilisant les utilisateurs sur un temps très court,
– Placer les experts métier et les sponsors en situation de faire émerger les messages et les infos clés.

VERS DES INTERFACES CONVERSATIONNELLES

  • Lorsqu’une information nous surprend ou qu’elle change notre perception des choses, nous voulons savoir pourquoi, et si nécessaire, si c’est notre rôle, agir en conséquence.
    Une alerte dans un tableau de bord ? Quelle en est la raison ? Qu’est ce que je fais après ça ? Comment je le fais ?  dans cette optique, la réponse se trouve dans l’élaboration d’interfaces « intelligentes » capables d’apporter des réponses à ces questions. la synergie entre explosion de la masse des datas, difficilement exploitable par l’humain seul, et développement de l’intelligence artificielle, laisse augurer d’évolutions majeures.
  • L’efficacité de ces interfaces repose sur leur capacité à choisir et mettre en évidence des données, à les analyser, à les mettre en relation avec d’autres, à suggérer des actions et à en exécuter en aval…
    Le développement de chatbots et d’interfaces conversationnelles associées aux tableaux de bord devrait à terme permettre de répondre à nos besoins ; cela en se basant aussi sur le recueil et l’analyse de la multitude de données issues de nos activités, analysées en permanence (cf invisible apps), et sur les capacités d’apprentissage de la machine. On est là dans l’intelligence augmentée qui laisse l’opérateur libre et responsable en dernier recours. Tel pourrait être le devenir des tableaux de bord dans les prochaines années…

Tchat boat - machine learning
 

CONCLUSION

S’appuyer sur des datas est souvent indispensable pour choisir et justifier une décision.

« Without data, you’re just another person with an opinion » – W.Edwards Deming.

Si à ce jour, l’expertise humaine reste indispensable à la conception et à l’utilisation de tableaux de bord, la croissance exponentielle des données disponibles demande l’utilisation de systèmes intelligents pour pouvoir ordonner cette masse et l’exploiter efficacement. Les interfaces devraient évoluer vers plus de dynamisme, d’interactivité et de conseils. UX et Data sont condamnés à se rapprocher.

TO TAKE AWAY

Une démarche UX / Data-driven pour concevoir un tableau de bord s’appuie sur quelques grandes étapes :
  • Hiérarchiser l’information,
  • Sélectionner celle qui est adaptée à la fonction de l’utilisateur,
  • Choisir la visualisation la plus efficiente en accord avec le but recherché,
  • Tester l’interface.
Elle est conduite autour des principes suivants :
  • Less is more (à ne pas confondre avec not enough is bad),
  • Donner le contrôle à l’utilisateur,
  • Les données racontent une histoire,
  • Envisager l’accès aux explications et aux conseils,

Enfin, ne pas oublier que simplicité, fiabilité et émotion (oui ! même pour les tableaux de bord !) sont facteurs d’engagement.

 

@Marie Serindou, UX-Evangelist @UXRepublic