Qu’est ce que l’eye-tracking ?

Un traqueur de l’oeil, of course!

L’oculométrie ou « eye tracking » en anglais est une technique qui permet d’enregistrer les mouvements oculaires. Après un calibrage personnalisé, l’oculomètre capte le regard de l’utilisateur et le suit sur toute la période d’enregistrement. En 1908, c’est Edmund Huey qui fabrique le premier instrument de mesure oculaire, grâce à un système de lentilles de contact. Un siècle après cette découverte, voilà l’oculométrie à l’ère du numérique, rebaptisée « Eye-tracking ». Cette technologie s’ouvre progressivement à tous les marchés comme la médecine, le sport, le bâtiment…
eye tracking par ux republic

L’eye-tracker est un appareil embarqué dans l’ordinateur ou indépendant (par exemple, des lunettes) qui une fois connecté au logiciel, retranscrit les mouvements de la pupille et le regard de l’utilisateur.

Et l’expérience utilisateur dans tout ça ?

L’eye-tracking a révolutionné les usages dans l’écosystème numérique (très utilisé pour les interfaces de e-commerce, la réalité virtuelle). Mais également pour des sujets plus complexes en Sciences Humaines et particulièrement autour des troubles du spectre de l’autisme, chez les jeunes enfants. Les champs d’activités variés permettent un potentiel sans limites, du sportif qui s’entraîne au designer d’interface.
Le monde de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle ouvre de nouveaux horizons. Accompagnant le regard, on peut alors définir les produits les plus observés par les personnes testées et ainsi proposer des services liés aux données collectées (publicité ciblée, marketing). Autant d’applications qui permettent, progressivement, l’évolution des outils. Alors, qu’apporte cet outil aux designers ? Remet-il en question notre expertise UX sur les interfaces web et numériques?

L’eye-tracking dans la conception

L’eye-tracker est un outil souvent utilisé lors de tests utilisateurs, pour challenger une interface, durant des A/B testing, ou pour comparer des designs. Mais permet-il réellement de repenser une “expérience” dans son architecture, ou bien plutôt d’accumuler une série de “micro-ajustements” sur une interface? Pour ma part, je vais vous partager quelques retours quant à l’utilisation de l’eye-tracker dans le design process. J’ai eu l’occasion d’assister à des tests utilisateurs avec l’eye-tracker avant et après avoir travaillé sur une application B2E.

#1 “Le temps c’est de l’argent…”

Un test trop long avec l’eye-tracker peut fatiguer l’utilisateur, et fausser quelques résultats (regard dans le vide, perte de concentration..). Il faut compter en général, une vingtaine de minutes pour l’eye-tracking et le double pour une restitution après le test.

#2 “La parole est d’argent, le silence est d’or”

Lors d’un test utilisateur avec l’eye-tracking, les designers doivent préciser un maximum le brief pour ne pas avoir à intervenir durant l’enregistrement. Le fait d’écouter la personne donner des consignes perturbe l’exercice.
TIPS : Préparez un guide d’entretien avec un scénario simple et précis.

#3 À nous de jouer !

Pour consolider le test, il doit toujours être suivi d’un exercice de pensée à voix haute de la part de l’utilisateur. Le Retrospective Think Aloud (RTA) est un exercice qui permet à l’utilisateur de revenir sur son test grâce à un enregistrement vidéo et lui donne l’opportunité de préciser ses actions et ses choix durant le test. Grâce à ces échanges et la collecte des données de l’eye-tracker, les designers peuvent alors analyser les tests et indiquer des premières pistes d’amélioration.

#4 Un outil parmi d’autres

L’eye-tracking, en comparaison avec un test utilisateur classique, donne un indice sur la capacité des personnes à interagir avec l’interface. Si les yeux permettent de définir quelques ajustements et d’apporter quelques réponses, l’ensemble de la méthodologie d’UX ne doit pas se baser uniquement sur ce constat.
On ne peut se permettre de fonder son expérience utilisateur sur des données visuelles, car l’eye-tracking a encore quelques lacunes à différents niveaux.
eye tracking par ux republic

Ce qui peut freiner

Souriez, vous êtes filmés

Du fait que les testeurs soient au courant de la présence d’un traqueur, leur comportement est biaisé, ils ne réagissent pas naturellement lors du test. Ce comportement inconscient agit tout au long du test, même s’il diminue avec la confiance.
TIPS : Mettre à l’aise l’utilisateur en lui expliquant simplement les démarches et en répondant à ses questions avec empathie.

€Y€-Tracking (ou “les yeux d’la tête”)

Utiliser l’eye-tracking a un coût. Comptez entre 100 et 900 euros pour les entrées de gamme, et jusqu’à plus de 10 000 euros pour les appareils les plus performants. Ces derniers sont utilisés dans le milieu professionnel, notamment dans les domaines de la santé, du sport et du marketing.

Emotion tracking ?

Lors d’un précédent article, Alexandre nous présentait l’intervention de Pierre-Majorique Léger (chercheur en neurosciences) à TEDxMontréal, mettant en avant le côté émotionnel, aujourd’hui absent des dispositifs d’eye-tracking. Ces informations sont précieuses pour comprendre la réelle signification des mouvements de l’oeil.

“Vu, j’l’avais pas vu”

Avec certains modèles d’eye-tracking, le paramétrage ne peut s’effectuer correctement sur des utilisateurs avec des lunettes ou des lentilles de contact. Les enregistrements de l’eye-tracker ne permettent que de capter le regard sur un point et ne prend pas en compte la vision périphérique sur l’écran. Or, un élément visuel n’existe que dans un ensemble, un bouton dépend avant tout de l’interface qu’il accompagne.
eye tracking opportunités ux republic

Ce qu’on peut y gagner 

Réalité Augmentée, réalité virtuelle

Si l’eye-tracking n’est pas encore prêt de révolutionner le monde du web, il a par contre de fortes opportunités de croissance dans les nouveaux domaines numériques comme l’AR ou la VR. Basées sur la vision, ces trois technologies sont vouées à converger vers un avenir commun.

Eye-Robot

Les données oculaires intéressent légalement le monde du machine learning et de l’intelligence Artificielle, pour accélérer l’apprentissage des robot ou des la vitesse d’exécution des tâches. On parlerait même de remplacer certaines actions manuelles par du langage visuel grâce à l’eye-tracking (ex: gaming, medecine..)
eye tracker par UX Republic

Eye-phones

Le modèle S9 de Samsung est équipé d’un dispositif de déverrouillage oculaire, qui permet également de naviguer sur internet. Ces technologies se précisent de plus en plus, tout autant que la reconnaissance faciale sur les derniers modèles de smartphones, comme “outil de sécurité”. Sur cette démo de l’ARKit, on peut voir les progrès d’Apple sur le sujet, on imagine alors les prochaines séries d’Iphones et les nouveaux usages que nous pourrons faire de nos smartphones.

TAKE AWAY

L’eye-tracking apporte donc de réelles solutions lors du test d’une expérience utilisateur. Seulement, par son coût et sa petite maturité, elle n’est pas encore fondamentale dans le processus de développement. Ce point est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’expérience globale. L’eye-tracking se focalise plus particulièrement sur le visuel et non pas sur l’expérience et l’accessibilité. Néanmoins, les progrès en médecine et en sports démontrent les performances de l’eye-tracking et son potentiel pour les années futures. Aussi pour cette raison, je recommanderai pour les designers qui souhaiteraient se procurer un eye-tracker prochainement de :

  • Cibler le besoin avant d’acheter (et choisir ensuite un modèle performant : quitte à dépenser, autant choisir la qualité).
  • Bien intégrer qu’il s’agit d’un outil et non pas d’une méthodologie (il ne remplacera jamais un test utilisateur classique).
  • Faire des retours aux marques fabricantes et remonter les problèmes rencontrés (Ça c’est de l’UX !)

Prêts ? Feu, trackez !
UX-Republic